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Crise au Kennedy Center : turbulences financiĂšres, licenciements et polĂ©miques aprĂšs la prise de contrĂŽle par TrumpđŸ”„60

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Crise financiĂšre et bouleversements au Kennedy Center aprĂšs la prise de contrĂŽle par Trump

Un symbole culturel amĂ©ricain en pleine tempĂȘte financiĂšre

Le John F. Kennedy Center for the Performing Arts, institution phare de la scĂšne artistique Ă  Washington, fait face Ă  l’une des plus graves crises de son histoire. ÉbranlĂ© par des difficultĂ©s financiĂšres majeures, des dĂ©parts en sĂ©rie au sommet de la direction et une vague de protestations du public et des artistes, le Kennedy Center traverse une pĂ©riode d’instabilitĂ© sans prĂ©cĂ©dent depuis l’arrivĂ©e de Donald Trump Ă  la prĂ©sidence de l’institution en fĂ©vrier 2025.

Plongée des ventes et chute des revenus : une institution fragilisée

Les chiffres sont Ă©loquents : les ventes d’abonnements pour la saison 2025-2026 sont en chute libre, enregistrant une baisse de 36% par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, soit une diminution de 1,6 million de dollars sur un an et des recettes billetterie tombĂ©es Ă  2,7 millions de dollars contre 4,4 millions en 2024. Les ventes de billets individuels ont Ă©galement plongĂ© de 50% au printemps, tandis que les revenus issus du théùtre ont connu une hĂ©morragie de 82% au dĂ©but de la campagne d’abonnement. Les dĂ©partements phares, comme le National Symphony Orchestra et le Washington National Opera, affichent respectivement des baisses de 28% et 25% sur les abonnements.

Le centre, qui avait vu son fonds de dotation croĂźtre de plus de 50% sous la prĂ©sidence de Deborah Rutter, se retrouve aujourd’hui privĂ© du soutien de plusieurs donateurs majeurs, qui ont suspendu leurs contributions dans un climat d’incertitude et de dĂ©fiance.

Un diagnostic alarmant : dettes et déficit opérationnel

La nomination de Donna Arduin comme directrice financiĂšre a mis en lumiĂšre l’ampleur du dĂ©sastre financier. Dans des courriels adressĂ©s au personnel, elle Ă©voque un endettement de 40 millions de dollars et un dĂ©ficit opĂ©rationnel qui s’élĂšverait Ă  prĂšs de 100 millions de dollars, doublĂ© d’une absence quasi totale de rĂ©serves de trĂ©sorerie. Selon Arduin, plusieurs annĂ©es de gestion peu rigoureuse, accentuĂ©es par le coĂ»t du projet d’extension The REACH, auraient conduit Ă  la situation actuelle.

Des membres du personnel contestent toutefois ces affirmations, soulignant que le centre affichait encore un profit de 6,5 millions de dollars en 2023. D’anciens dirigeants, dont Deborah Rutter et David Rubenstein, pointent du doigt l’exagĂ©ration de la gravitĂ© de la situation et affirment que la gestion antĂ©rieure avait Ă©tĂ© validĂ©e par le comitĂ© d’audit et un grand cabinet comptable indĂ©pendant.

En rĂ©ponse Ă  la crise, la nouvelle direction a procĂ©dĂ© Ă  des coupes importantes dans l’administration et le personnel, aggravant ainsi la tension interne et la perception publique d’un Ă©tablissement en dĂ©route.

Changement brutal de gouvernance et protestations publiques

Le bouleversement de gouvernance opĂ©rĂ© avec la nomination controversĂ©e de Donald Trump Ă  la tĂȘte de l’institution a fait grand bruit. En remplaçant le conseil d’administration par ses propres collaborateurs, Trump a limogĂ© Deborah Rutter, ancienne prĂ©sidente, et nommĂ© Richard Grenell prĂ©sident par intĂ©rim. Ce geste, jugĂ© lĂ©galement discutable par certains critiques, a renforcĂ© la mĂ©fiance au sein du monde artistique et auprĂšs du grand public.

La réorganisation a rapidement eu un impact sur la programmation et le climat général : de nombreux artistes de renom, parmi lesquels Rhiannon Giddens, Ben Folds et Issa Rae, ont annulé leurs prestations, tandis que Lin-Manuel Miranda, créateur de « Hamilton », a retiré ses spectacles du programme en signe de protestation.

Conséquences culturelles : bouleversements de la programmation et boycott

Sous la nouvelle administration, le Kennedy Center a opĂ©rĂ© un virage marquĂ© dans sa politique artistique. Richard Grenell s’est engagĂ© dans une « restauration du conservatisme culturel », bannissant les spectacles de drag et favorisant des productions jugĂ©es « familiales ». Ce repositionnement a entraĂźnĂ© des appels au boycott, la suppression de nombreux spectacles emblĂ©matiques et l’annulation d’engagements majeurs, amplifiant la crise financiĂšre.

En mai 2025, lors d’un gala, la direction s’est efforcĂ©e de rassurer le public sur le maintien de certains titres phares, comme « Les MisĂ©rables » ou « Porgy and Bess », mais l’inquiĂ©tude demeure quant Ă  la capacitĂ© du Kennedy Center Ă  renouer avec ses standards d’excellence et d’inclusivitĂ©.

Impact économique : un écosystÚme local et national en difficulté

L’effondrement des revenus du Kennedy Center ne touche pas uniquement l’institution mais l’ensemble de l’économie culturelle locale. Des dizaines de petits fournisseurs, compagnies affiliĂ©es et artistes indĂ©pendants subissent la rĂ©duction brutale de la programmation et la diminution des cachets. Les hĂŽtels, restaurants et commerces du quartier, habituellement animĂ©s par le flux des spectateurs, enregistrent une baisse sensible de frĂ©quentation.

Si le Kennedy Center avait jusqu’ici maintenu une stabilitĂ© remarquable grĂące Ă  la croissance de sa dotation et Ă  un appui institutionnel constant, la crise actuelle met Ă  rude Ă©preuve la place unique qu’il occupe dans le paysage artistique amĂ©ricain. En guise de tentative de sauvetage, le CongrĂšs a votĂ© un soutien financier exceptionnel de 250 millions de dollars, soit six fois l’apport habituel, mais ce coup de pouce s’accompagne d’une controverse : des parlementaires rĂ©publicains proposent de rebaptiser l’opĂ©ra « Melania Trump Opera House », un symbole du virage politique et culturel trĂšs dĂ©battu dans la rĂ©gion.

Comparaisons régionales : crise isolée ou symptÎme national ?

La situation du Kennedy Center tranche avec la santé globale des grandes institutions culturelles américaines. Alors que plusieurs opéras, symphonies et théùtres majeurs (comme le Metropolitan Opera ou le San Francisco Symphony) ont déjà rebondi aprÚs le passage difficile de la pandémie, le Kennedy Center semble cumuler les handicaps : incertitude managériale, perte de confiance des mécÚnes, baisse rapide des recettes et tension sociale.

Historiquement, le Kennedy Center incarnait la rĂ©silience et l’ouverture du secteur culturel amĂ©ricain, sachant se renouveler sans jamais renier sa mission de promotion de la diversitĂ© artistique et de l’excellence. Ces repĂšres apparaissent remis en cause, suscitant la prĂ©occupation de l’ensemble de la filiĂšre artistique du pays.

Antécédents historiques : une institution sous le signe du consensus

FondĂ© en 1971 et dĂ©diĂ© Ă  la mĂ©moire du prĂ©sident John F. Kennedy, le Kennedy Center a toujours Ă©tĂ© perçu comme un sanctuaire de la culture fĂ©dĂ©rale, accueillant des spectacles de toutes disciplines, s’ouvrant aux grands courants du spectacle vivant et cultivant un riche tissu de mĂ©cĂ©nat. Sa capacitĂ© Ă  rĂ©unir publics, crĂ©ateurs et dĂ©cideurs issus de tous horizons a longtemps fait figure d’exemple, tant Ă  Washington qu’au niveau national.

Des crises de financement avaient dĂ©jĂ  Ă©mergĂ© dans le passĂ©, notamment lors de la rĂ©cession de 2008, mais aucune n’avait Ă©tĂ© exacerbĂ©e Ă  un tel point par un conflit de direction et une rupture avec les principaux artistes et donateurs.

Perspectives : incertitude et attentes

Face Ă  la gravitĂ© de la situation, la direction actuelle promet des efforts drastiques de redressement. Richard Grenell affirme avoir mis en place une stratĂ©gie « de bon sens » pour restaurer la prospĂ©ritĂ© du centre, misant sur la rĂ©duction des coĂ»ts et la sollicitation de nouveaux mĂ©cĂšnes. Un audit complet des finances, une nouvelle gouvernance du conseil et une campagne de communication orientĂ©e vers la reconquĂȘte du public sont en prĂ©paration, mais leur succĂšs reste incertain au vu de la dĂ©fiance profonde du secteur culturel.

L’urgence est dĂ©sormais palpable. Pour nombre d’amateurs d’art et de professionnels, le Kennedy Center doit Ă  tout prix renouer avec sa mission originelle, restaurer la confiance des publics et partenaires, et prouver sa capacitĂ© Ă  incarner Ă  nouveau l’excellence artistique amĂ©ricaine, dans le respect de son hĂ©ritage et de sa diversitĂ©.