Global24

Paramount sous le feu des critiques aprĂšs l’annulation du Late Show de Colbert et un accord controversĂ© avec TrumpđŸ”„48

1 / 3
Indep. Analysis based on open media fromtrending.

Paramount sous le feu des critiques aprĂšs la suppression de The Late Show et un accord avec Trump

Une onde de choc dans le paysage audiovisuel américain

La rĂ©cente annonce de l’annulation de “The Late Show with Stephen Colbert” par Paramount, prĂ©vue pour mai 2026, a dĂ©clenchĂ© une vague de critiques et de spĂ©culations dans l’industrie mĂ©diatique amĂ©ricaine. Ce choix difficile, dĂ©voilĂ© peu de temps aprĂšs le rĂšglement d’un procĂšs Ă  16 millions de dollars avec le prĂ©sident Donald Trump concernant une interview controversĂ©e dans “60 Minutes” de Kamala Harris, fait craindre Ă  certains observateurs qu’il puisse s’agir d’une dĂ©cision motivĂ©e par des intĂ©rĂȘts politiques plutĂŽt que strictement Ă©conomiques. Paramount, maison mĂšre de CBS, se dĂ©fend. Mais la sĂ©quence des Ă©vĂ©nements, sur fond de fusion imminente avec Skydance Media, nourrit la polĂ©mique et la vigilance du public.

Historique du conflit : “60 Minutes”, Trump, et la bataille judiciaire

Pour comprendre l’ampleur du scandale, il convient de rappeler le contexte. À l’automne 2024, l’équipe juridique de Donald Trump avait intentĂ© un procĂšs de 20 milliards de dollars contre CBS News, accusant la chaĂźne d’avoir manipulĂ© une interview accordĂ©e par Kamala Harris dans “60 Minutes”, au dĂ©triment du candidat rĂ©publicain. Les tensions Ă©taient exacerbĂ©es Ă  l’approche de l’élection prĂ©sidentielle, alors que l’audiovisuel devenait Ă  nouveau un terrain d’affrontement politique majeur.

AprĂšs plusieurs mois de tractations et de mĂ©diatisation, Paramount a acceptĂ© de rĂ©gler Ă  l’amiable pour 16 millions de dollars afin de mettre fin aux poursuites. Cette dĂ©cision a immĂ©diatement suscitĂ© l’indignation de nombreux journalistes et dĂ©fenseurs de la libertĂ© de la presse, qui y ont vu une dangereuse concession aux pressions politiques et une atteinte Ă  la tradition d’indĂ©pendance du groupe CBS. La somme, qui ne sera versĂ©e ni directement ni indirectement Ă  Trump mais couvrira ses frais de justice et contribuera Ă  financer sa future bibliothĂšque prĂ©sidentielle, a nĂ©anmoins accentuĂ© les soupçons quant au timing de l’annonce.

Une suppression controversée qui fait trembler Hollywood

À peine deux jours aprĂšs que Stephen Colbert ait publiquement qualifiĂ© le rĂšglement de "gros pot-de-vin", CBS officialisait la fin prochaine de “The Late Show” aprĂšs plus d’une dĂ©cennie de succĂšs. Colbert, personnalitĂ© phare du late-night, a offert Ă  la chaĂźne des audiences solides et une visibilitĂ© incontournable sur un marchĂ© nocturne devenu extrĂȘmement concurrentiel. La stupeur s’est vite transformĂ©e en colĂšre chez certains acteurs de l’industrie.

Le Writers Guild of America (WGA), syndicat reprĂ©sentant les scĂ©naristes, a dĂ©noncĂ© un “danger” pour la dĂ©mocratie, voyant dans ce geste la possible consĂ©quence d’un “chantage politique” visant Ă  plaire Ă  l’administration Trump, alors que Paramount cherche le feu vert des rĂ©gulateurs fĂ©dĂ©raux (dont plusieurs membres nommĂ©s par Trump) pour finaliser la fusion avec Skydance Media, une sociĂ©tĂ© Ă  la rĂ©putation plus conservatrice. Le WGA a sollicitĂ© une enquĂȘte de la procureure gĂ©nĂ©rale de New York, Letitia James.

CBS, pour sa part, qualifie la suppression de dĂ©cision purement financiĂšre, invoquant la baisse gĂ©nĂ©rale des audiences sur les formats de late-night, la mutation des habitudes de consommation vidĂ©o et la nĂ©cessitĂ© d’adapter sa grille Ă  une concurrence numĂ©rique acharnĂ©e. Colbert est saluĂ© comme “irremplaçable” et la franchise “The Late Show” sera tout simplement retirĂ©e de l’antenne, selon la direction de CBS.

Le vrai coût économique du prime time nocturne

Les late shows, longtemps rĂ©putĂ©s lucratifs grĂące Ă  la publicitĂ© premium diffusĂ©e aprĂšs le journal du soir, sont, comme l’ensemble du secteur audiovisuel traditionnel, confrontĂ©s Ă  une double menace :

  • Fragmentation de l’audience : L’essor du streaming et la montĂ©e en puissance des plateformes sociales rĂ©duisent le nombre de spectateurs fidĂšles Ă  la tĂ©lĂ©vision linĂ©aire.
  • CoĂ»ts de production : Ces Ă©missions bĂ©nĂ©ficient d’équipes techniques et Ă©ditoriales nombreuses, ainsi que de la rĂ©munĂ©ration Ă©levĂ©e de leurs animateurs vedettes.

Selon plusieurs analystes, la dĂ©cision de Paramount s’inscrit ainsi dans une tendance plus large : ajuster ou supprimer des programmes historiques qui ne gĂ©nĂšrent plus le rendement financier attendu, particuliĂšrement en pĂ©riode de fusions et acquisitions qui imposent des coupes budgĂ©taires.

La fusion Paramount-Skydance : catalyseur de tensions

La situation ne se limite pas Ă  la sphĂšre du divertissement. Le rachat en cours de Paramount par Skydance Media, dirigĂ© par David Ellison, pour environ 8 milliards de dollars, est au cƓur des prĂ©occupations. Ce rapprochement pourrait redĂ©finir l’orientation Ă©ditoriale du groupe, Skydance Ă©tant perçu dans l’industrie comme plus alignĂ© sur des valeurs conservatrices.

La direction de Paramount espĂ©rerait que le rĂšglement avec Trump gomme les obstacles rĂ©glementaires, plusieurs voix conservatrices reprochant Ă  CBS une couverture jugĂ©e partiale contre les RĂ©publicains. Des sources proches du dossier laissent entendre que l’administration Trump pourrait conditionner l’obtention des autorisations de fusion, notamment auprĂšs de la FCC, Ă  la rĂ©solution du conflit judiciaire. Cette pression politique supposĂ©e fait l’objet de dĂ©bats en coulisses et d’une animositĂ© exacerbĂ©e dans la presse amĂ©ricaine.

Réactions et mobilisation au sein de la profession

La mobilisation ne faiblit pas du cĂŽtĂ© des scĂ©naristes et professionnels de la tĂ©lĂ©vision. Outre le WGA, d’autres comĂ©diens, dont Jon Stewart, animateur du mythique “The Daily Show”, ont publiquement exprimĂ© leur inquiĂ©tude concernant “l’effet domino” que pourrait provoquer cette suppression sur d’autres institutions du late-night. Des milliers d’emplois liĂ©s Ă  la production, Ă  l’écriture et Ă  la diffusion sont potentiellement menacĂ©s, une crainte qui traverse dĂ©sormais tout le secteur audiovisuel amĂ©ricain.

Dans les couloirs de CBS, c’est l’abattement. George Cheeks et Amy Reisenbach, dirigeants de la chaĂźne, se sont dits “fiers” du parcours de Stephen Colbert et assurent vouloir accompagner Ă©quitablement les Ă©quipes impactĂ©es. Mais dans l’opinion publique, le doute subsiste quant Ă  la sincĂ©ritĂ© des arguments uniquement financiers Ă©voquĂ©s pour justifier la coupure brutale de l’un des talk-shows les plus emblĂ©matiques de la tĂ©lĂ©vision amĂ©ricaine.

Comparaisons régionales : Un phénomÚne transatlantique ?

Ce bouleversement ne touche pas que les États-Unis. À travers le monde occidental, l’industrie tĂ©lĂ©visuelle doit Ă©voluer au rythme de la transformation numĂ©rique. En Grande-Bretagne, des Ă©missions telles que “The Graham Norton Show” ou “Have I Got News for You” se rĂ©inventent en misant davantage sur les plateformes de rattrapage et le contenu viral. En France, le crĂ©neau du late-night, historiquement moins fort qu’aux États-Unis, fait lui aussi face Ă  des choix budgĂ©taires complexes et Ă  la migration des jeunes publics vers des formats courts sur YouTube ou TikTok. Toutefois, la centralisation des groupes audiovisuels français, protĂ©gĂ©s par la rĂ©glementation, limite pour l’instant l’ampleur de tels sĂ©ismes Ă  la tĂ©lĂ©vision hexagonale.

Un avenir incertain pour le late-night américain

La suppression du “Late Show” avec Stephen Colbert marque la fin d’une Ă©poque. Face Ă  la multiplication des plateformes, Ă  la pression politique croissante et Ă  la quĂȘte permanente de rentabilitĂ©, c’est toute la tradition du late-night Ă  l'amĂ©ricaine qui vacille, emportant dans son sillage l’un des comĂ©diens les plus acides et influents de la dĂ©cennie.

Dans l’immĂ©diat, les regards se tournent vers les autoritĂ©s de l’État de New York, sollicitĂ©es pour ouvrir une enquĂȘte sur la motivation rĂ©elle de cette annulation. Au-delĂ  du sort de Colbert, c’est la question-clĂ© de la libertĂ© d’expression, de l’indĂ©pendance Ă©ditoriale des mĂ©dias et de l’avenir socio-Ă©conomique de milliers de salariĂ©s qui agitent les coulisses.

La polĂ©mique Paramount—entre rĂšglement judiciaire avec Donald Trump, critique d’un possible “pot-de-vin”, et tension sur la libertĂ© de la presse—met en lumiĂšre une industrie sous pression, au croisement de l’économie, de la culture et de la politique, scrutĂ©e de prĂšs par le public et les dĂ©fenseurs de la dĂ©mocratie.