La crise agricole américaine s’aggrave : vers un nouveau plan de sauvetage face à la guerre commerciale avec la Chine

Alors que l’année 2025 s’annonce décisive pour l’agriculture américaine, les fermiers des États-Unis font face à une tempête économique sans précédent. Malgré des récoltes record en 2024, la chute vertigineuse des prix des grandes cultures – près de 50 % en dessous des sommets de 2022 – et la flambée persistante des coûts de production plongent les exploitations dans le rouge. Les pertes moyennes par ferme dans l’Illinois pourraient atteindre 30 000 dollars, un niveau inégalé depuis la crise agricole des années 1980.

L’impact des guerres commerciales : la Chine en première ligne

Au cœur de cette crise, la guerre commerciale relancée par l’administration Trump pèse lourdement sur les exportations agricoles. Les tarifs douaniers imposés par Washington, notamment sur la Chine, ont entraîné des mesures de rétorsion immédiates : Pékin a relevé ses droits de douane sur le soja, le maïs et le blé américains, tout en se tournant massivement vers le Brésil pour ses approvisionnements. Résultat : les producteurs de soja, dont la Chine représentait près de la moitié du chiffre d’affaires en 2024, voient leurs débouchés s’effondrer.

« Ces tarifs vont tout impacter, des pièces détachées aux exportations. C’est une façon certaine de perdre ses clients », déplore John Pihl, agriculteur dans l’Illinois depuis plus de cinquante ans.

Des marges écrasées, des perspectives sombres

La situation est d’autant plus critique que les coûts des semences, des engrais et du carburant restent élevés, alors que les prix de vente ne couvrent plus les charges. Selon les économistes, le prix du maïs devrait atteindre 5,67 dollars le boisseau pour être rentable, mais il plafonne à 4,43 dollars ; le soja, lui, se vend à 9,76 dollars contre un seuil de rentabilité de 12,72 dollars. Les exploitants, notamment dans le Midwest, redoutent une vague de faillites si la situation perdure.

Trump envisage un nouveau plan d’aide d’urgence

Face à la grogne du monde agricole, pilier électoral du Parti républicain, la Maison Blanche envisage de réactiver un plan de soutien massif, à l’image des 28 milliards de dollars débloqués lors du premier mandat Trump pour compenser les pertes liées à la guerre commerciale avec la Chine. Le dispositif, financé par le Commodity Credit Corporation, pourrait être élargi alors que les menaces de représailles commerciales s’étendent désormais à l’Europe, au Canada, au Mexique et au Japon.

La secrétaire à l’Agriculture, Brooke Rollins, a confirmé que l’administration « commence déjà à réfléchir à une stratégie d’atténuation » pour éviter une catastrophe économique dans le secteur. Mais certains observateurs s’inquiètent du coût budgétaire et de l’efficacité de telles mesures, alors que les précédentes aides n’ont pas permis à toutes les régions de se relever.

Polémique politique : « MAGA Socialism » et critiques croissantes

Cette politique d’intervention massive suscite de vifs débats à Washington. Les opposants dénoncent une forme de « MAGA Socialism », un interventionnisme étatique en contradiction avec les principes du libre marché traditionnellement défendus par les conservateurs. Les critiques pointent le risque d’une dépendance accrue des agriculteurs à l’aide publique, sans résoudre les causes structurelles de la crise.

Un secteur à la croisée des chemins

À l’aube de la campagne présidentielle, l’agriculture américaine se retrouve donc à la croisée des chemins, prise en étau entre la volatilité des marchés mondiaux, l’incertitude politique et la nécessité de repenser son modèle économique. Les prochaines décisions de la Maison Blanche seront scrutées de près, tant par les agriculteurs que par leurs partenaires commerciaux internationaux, alors que l’avenir du « breadbasket » américain n’a jamais semblé aussi incertain.