Affaire Kilmar Ăbrego GarcĂa : bras de fer entre Washington, la Cour suprĂȘme et le Salvador
Lâaffaire Kilmar Ăbrego GarcĂa, Salvadorien de 29 ans, secoue la scĂšne politique et judiciaire amĂ©ricaine, tout en mettant Ă lâĂ©preuve les relations diplomatiques entre les Ătats-Unis et le Salvador. Ce dossier, Ă la croisĂ©e des enjeux migratoires, judiciaires et diplomatiques, illustre la complexitĂ© des politiques dâimmigration sous lâadministration Trump et la rĂ©sistance des institutions face Ă lâexĂ©cutif.
Un parcours migratoire marquĂ© par la violence et lâespoir
Originaire de San Salvador, Kilmar Ăbrego GarcĂa a fui son pays Ă 16 ans pour Ă©chapper Ă la violence des gangs, selon les tĂ©moignages recueillis lors de ses audiences. InstallĂ© dans le Maryland, il menait une vie stable avec sa femme et son enfant, tous deux citoyens amĂ©ricains. En 2019, un juge dâimmigration lui accorde le statut de « withholding of removal », une protection rare, estimant que son retour au Salvador lâexposerait Ă des persĂ©cutions graves de la part des gangs locaux.
Une expulsion controversée et une bataille judiciaire inédite
MalgrĂ© cette protection, Ăbrego GarcĂa est arrĂȘtĂ© en 2025 et expulsĂ© vers le Salvador, dans ce que lâadministration Trump qualifie dâ« erreur administrative ». Il est incarcĂ©rĂ© sans procĂšs dans le centre de dĂ©tention de haute sĂ©curitĂ© CECOT, rĂ©servĂ© aux terroristes prĂ©sumĂ©s, alors quâaucune condamnation ni preuve tangible de son appartenance Ă un gang nâa Ă©tĂ© Ă©tablie, ni aux Ătats-Unis, ni au Salvador. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines justifient son expulsion par des allĂ©gations dâappartenance Ă la MS-13, organisation classĂ©e terroriste, sur la base dâun tĂ©moignage dâinformateur contestĂ© et non corroborĂ© par les juges.
La Cour suprĂȘme tranche, lâexĂ©cutif rĂ©siste
Le 10 avril 2025, la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis statue Ă lâunanimitĂ© que lâexpulsion dâĂbrego GarcĂa Ă©tait illĂ©gale, rejetant lâargument de lâadministration selon lequel la justice ne pouvait pas contraindre lâexĂ©cutif Ă rapatrier un Ă©tranger depuis lâĂ©tranger. La Cour ordonne Ă lâadministration de « faciliter » sa libĂ©ration, sans toutefois exiger explicitement son retour, laissant une marge dâinterprĂ©tation Ă lâexĂ©cutif. Lâadministration Trump sâappuie sur cette nuance pour refuser dâagir activement, arguant que la dĂ©cision relĂšve dĂ©sormais de la souverainetĂ© salvadorienne et de la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine.
Bukele ferme la porte, la crise sâenlise
Le prĂ©sident salvadorien Nayib Bukele, alliĂ© de Donald Trump, refuse catĂ©goriquement de renvoyer Ăbrego GarcĂa aux Ătats-Unis, invoquant des raisons de sĂ©curitĂ© nationale et qualifiant lâaffaire dâ« absurde ». « Nous ne sommes pas enclins Ă relĂącher des terroristes dans notre pays », a-t-il dĂ©clarĂ©, bien quâaucune preuve nâait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e contre Ăbrego GarcĂa. Cette position bloque toute issue diplomatique, malgrĂ© la pression croissante des juges amĂ©ricains et des dĂ©fenseurs des droits humains.
Un symbole des dérives du systÚme migratoire
Lâaffaire Ăbrego GarcĂa met en lumiĂšre les failles du systĂšme dâimmigration amĂ©ricain, la politisation des dossiers individuels et la tension croissante entre le pouvoir judiciaire et lâexĂ©cutif. Elle soulĂšve Ă©galement des questions fondamentales sur la protection des droits des migrants, la sĂ©paration des pouvoirs et la capacitĂ© des institutions Ă faire respecter lâĂtat de droit face Ă la raison dâĂtat et aux enjeux diplomatiques.
Alors que la famille dâĂbrego GarcĂa, soutenue par des Ă©lus dĂ©mocrates, continue de rĂ©clamer son retour et la fin de ce quâelle qualifie de « jeux politiques avec sa vie », lâaffaire demeure un test majeur pour la justice amĂ©ricaine et la crĂ©dibilitĂ© de ses engagements internationaux.
