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Tulsi Gabbard confrontĂ©e Ă  la controverse : accusations contre la « deep state » et enquĂȘtes internes secouent le renseignement amĂ©ricainđŸ”„60

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Tulsi Gabbard au cƓur de la tempĂȘte : accusations de « deep state », controverse sĂ©curitaire et divisions politiques

Depuis sa nomination Ă  la tĂȘte du renseignement amĂ©ricain, la Directrice du Renseignement national, Tulsi Gabbard, se retrouve sur une ligne de crĂȘte, oscillant entre louanges et critiques acerbes dans un contexte de tensions institutionnelles inĂ©dites. Ses rĂ©centes dĂ©clarations sur l’existence d’une « guerre » contre le « deep state », ses investigations sur les opĂ©rations de renseignement passĂ©es et ses initiatives judiciaires contre des fuites d’informations confidentielles ont dĂ©clenchĂ© un dĂ©bat national, cristallisant les fractures politiques amĂ©ricaines et ravivant les questions sur la transparence, l’indĂ©pendance et la crĂ©dibilitĂ© des agences fĂ©dĂ©rales.

Contexte historique : la montée des soupçons envers le « deep state »

Le terme « deep state » – ou « État profond » – dĂ©signe une thĂ©orie selon laquelle une Ă©lite bureaucratique, en marge des Ă©lus, manipulerait la politique amĂ©ricaine pour servir ses intĂ©rĂȘts. Ce concept, longtemps marginal, a gagnĂ© en visibilitĂ© durant la prĂ©sidence de Donald Trump, qui l’a souvent brandi pour expliquer ses difficultĂ©s Ă  mettre en Ɠuvre sa politique malgrĂ© sa victoire Ă©lectorale de 2016.

L’arrivĂ©e au pouvoir de Trump avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© marquĂ©e par des accusations de rĂ©sistance au sein des agences fĂ©dĂ©rales, notamment aprĂšs la publication de rapports sur l’ingĂ©rence russe dans l’élection prĂ©sidentielle, rapports que le prĂ©sident avait qualifiĂ©s de « canular ». Cette polarisation n’a fait que s’accentuer, alimentant la mĂ©fiance d’une partie de la population envers les institutions et la presse.

Dans ce contexte, la nomination de Tulsi Gabbard, personnalitĂ© atypique et souvent en dĂ©calage avec la ligne du parti dĂ©mocrate, Ă  la tĂȘte du renseignement national, Ă©tait perçue comme un geste fort de l’administration Trump pour reprendre le contrĂŽle sur les services de renseignement. Son parcours, ses prises de position en faveur d’un rapprochement avec la Russie et ses critiques rĂ©pĂ©tĂ©es envers l’OTAN et la politique ukrainienne de Washington ont suscitĂ© autant d’enthousiasme dans certains milieux conservateurs que de mĂ©fiance chez les dĂ©mocrates et une partie des mĂ©dias.

Les allĂ©gations de Gabbard et l’enquĂȘte sur le « deep state »

En juillet 2025, Tulsi Gabbard a officiellement annoncĂ© le lancement d’une vaste enquĂȘte interne sur les pratiques du renseignement amĂ©ricain depuis 2016. Selon ses dĂ©clarations publiques, relayĂ©es par l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI), des preuves « accablantes » montreraient que l’administration Obama a « fabriquĂ© et politisĂ© » des informations pour discrĂ©diter la victoire de Donald Trump en 2016, voire pour orchestrer une « tentative de coup d’État prolongĂ©e » contre sa prĂ©sidence.

Gabbard avance que des responsables de haut niveau auraient sciemment utilisĂ© des informations non vĂ©rifiĂ©es, notamment le fameux dossier Steele, pour justifier des enquĂȘtes et des procĂ©dures de destitution, alimentant ainsi la crise politique et les tensions entre Washington et Moscou. Elle assure que ces agissements auraient sapĂ© la confiance des AmĂ©ricains dans leurs institutions et dans le processus dĂ©mocratique.

Pour appuyer ses accusations, la directrice du renseignement a transmis Ă  la justice fĂ©dĂ©rale de nombreux documents – certains classifiĂ©s – et annoncĂ© l’ouverture d’enquĂȘtes disciplinaires contre onze agents, ainsi que des poursuites pĂ©nales contre trois d’entre eux pour des fuites d’informations confidentielles sur la sĂ©curitĂ© frontaliĂšre. « Il ne s’agit pas d’un problĂšme partisan, mais d’une question qui concerne chaque AmĂ©ricain », a-t-elle dĂ©clarĂ©, promettant de « restaurer la confiance dans la communautĂ© du renseignement ».

RĂ©actions de l’opposition et de l’establishment

Les propos de Gabbard ont immĂ©diatement suscitĂ© des rĂ©actions contrastĂ©es. D’un cĂŽtĂ©, des Ă©lus rĂ©publicains et des figures conservatrices, dont le vice-prĂ©sident JD Vance, ont saluĂ© son « patriotisme » et sa « dĂ©termination Ă  faire la lumiĂšre » sur des affaires controversĂ©es. Vance a publiquement louĂ© son « engagement au service de la sĂ©curitĂ© nationale », en insistant sur la nĂ©cessitĂ© d’une supervision accrue des agences fĂ©dĂ©rales.

À l’inverse, de nombreux dĂ©mocrates, analystes et anciens responsables du renseignement ont contestĂ© la validitĂ© des accusations, soulignant l’absence de preuves tangibles et la politisation du dĂ©bat. Plusieurs mĂ©dias, Ă  l’image de CNN et de NPR, rappellent que les allĂ©gations de Gabbard contredisent les conclusions de multiples enquĂȘtes du CongrĂšs, y compris celles menĂ©es par des rĂ©publicains, ainsi que les dĂ©clarations d’anciens membres de l’administration Trump, comme l’ancien sĂ©nateur Marco Rubio, qui avait fermement dĂ©fendu l’idĂ©e d’une ingĂ©rence russe dans l’élection de 2016.

Le site FactCheck.org, spĂ©cialisĂ© dans la vĂ©rification des faits, qualifie les affirmations de Gabbard de « trompeuses », en soulignant que la communautĂ© du renseignement avait bel et bien alertĂ©, avant l’élection, sur les tentatives d’ingĂ©rence russe, mĂȘme si elle n’avait pas Ă©tabli de manipulation directe des rĂ©sultats. Pour ces critiques, la campagne menĂ©e par Gabbard relĂšverait davantage de la « thĂ©orie du complot » que de l’enquĂȘte objective, et risquerait de miner encore un peu plus la crĂ©dibilitĂ© des institutions amĂ©ricaines.

Impact économique et ramifications internationales

La crise de confiance au sein du renseignement amĂ©ricain n’est pas sans consĂ©quences sur le plan Ă©conomique et diplomatique. Les allĂ©gations de manipulation des informations de sĂ©curitĂ© nationale, ajoutĂ©es aux accusations rĂ©currentes de fuites et de dysfonctionnements internes, sapent la crĂ©dibilitĂ© des États-Unis sur la scĂšne internationale, alors que Washington tente de rĂ©affirmer son leadership face Ă  la Chine, Ă  la Russie et Ă  l’Iran.

Les marchĂ©s financiers, dĂ©jĂ  sensibles aux incertitudes politiques, surveillent de prĂšs l’évolution du climat institutionnel. Des enquĂȘtes judiciaires Ă  rĂ©pĂ©tition et des procĂ©dures de destitution pĂšsent sur la stabilitĂ© des marchĂ©s, tandis que l’image de division et d’instabilitĂ© politique pourrait dĂ©courager les investisseurs Ă©trangers et compliquer la conclusion de grands accords commerciaux ou stratĂ©giques.

Sur le plan international, les alliĂ©s traditionnels des États-Unis observent la situation avec inquiĂ©tude. Les rĂ©vĂ©lations sur d’éventuelles manipulations du renseignement risquent d’affaiblir la position amĂ©ricaine dans les nĂ©gociations sur le nuclĂ©aire iranien, la guerre en Ukraine ou la rivalitĂ© avec PĂ©kin. La crĂ©dibilitĂ© des alertes amĂ©ricaines sur la cybersĂ©curitĂ© ou les menaces extĂ©rieures, domaine dans lequel Washington joue un rĂŽle central, pourrait Ă©galement ĂȘtre remise en question.

Comparaisons rĂ©gionales : l’état profond, une spĂ©cificitĂ© amĂ©ricaine ?

La notion d’« État profond » est propre aux États-Unis, mais elle trouve des Ă©chos dans de nombreux pays, oĂč des soupçons de collusion entre bureaucrates, militaires et services de renseignement pĂšsent rĂ©guliĂšrement sur la vie politique. En Europe, l’idĂ©e d’une administration parallĂšle manipulatrice est moins rĂ©pandue, mĂȘme si des scandales comme l’affaire des Ă©coutes de la NSA ou les rĂ©vĂ©lations d’Edward Snowden ont alimentĂ© des craintes similaires.

En France, par exemple, la tradition d’un État fort et centralisĂ© protĂšge en partie le pouvoir politique des pressions bureaucratiques, mĂȘme si des affaires comme celle des « barbouzes » ou des Ă©coutes de l’ÉlysĂ©e sous François Mitterrand ont montrĂ© que les dĂ©rives existent. En Allemagne, la transparence institutionnelle et la culture du consensus limitent les tentations d’un « État profond » agissant dans l’ombre.

Aux États-Unis, la structure fĂ©dĂ©rale, la multiplication des agences indĂ©pendantes et la sĂ©paration stricte des pouvoirs offrent thĂ©oriquement des garde-fous contre les dĂ©rives. Mais l’accumulation rĂ©cente de scandales, allant de la surveillance de masse rĂ©vĂ©lĂ©e par Snowden aux accusations de manipulation politique, nourrit un climat de dĂ©fiance inĂ©dit, que les dĂ©clarations de Gabbard attisent encore.

Gabbard face à la presse : accusations de distorsion médiatique

L’une des caractĂ©ristiques du mandat de Gabbard est son rapport complexe avec la presse. Elle accuse rĂ©guliĂšrement les mĂ©dias traditionnels de « distorsion » et de « partialitĂ© », notamment aprĂšs que le prĂ©sident Trump a publiquement contredit son Ă©valuation sur le programme nuclĂ©aire iranien, provoquant une cascade de commentaires critiques Ă  son Ă©gard.

Gabbard a ripostĂ© en dĂ©nonçant une « campagne de diffamation » orchestrĂ©e par « certains acteurs mĂ©diatiques » et en mettant en avant son engagement pour la transparence. Elle a multipliĂ© les interventions sur les rĂ©seaux sociaux, en particulier X et Truth Social, oĂč elle publie rĂ©guliĂšrement des mises Ă  jour sur ses enquĂȘtes et ses initiatives. Cette stratĂ©gie de communication directe avec le public, contournant les mĂ©dias traditionnels, lui vaut Ă  la fois un soutien populaire dans certaines franges de l’électorat et des critiques sur sa mĂ©thode jugĂ©e « populiste ».

Scrutin sur le passé de Gabbard : controverses et défis de crédibilité

La crĂ©dibilitĂ© de Tulsi Gabbard est rĂ©guliĂšrement mise en cause, non seulement pour ses prises de position actuelles, mais aussi pour son parcours politique et ses liens supposĂ©s avec des rĂ©gimes controversĂ©s. Elle a notamment Ă©tĂ© accusĂ©e d’avoir rencontrĂ© un haut responsable du Hezbollah et d’entretenir des liens avec une organisation soupçonnĂ©e de fraude, ce qu’elle nie fermement.

Sur la scĂšne internationale, ses prises de position en faveur d’un rapprochement avec la Russie, ses doutes sur la dĂ©mocratie ukrainienne et ses critiques rĂ©pĂ©tĂ©es de l’OTAN lui ont valu d’ĂȘtre qualifiĂ©e de « chouchoute des mĂ©dias russes » et d’« apologiste du Kremlin » par une partie de la presse et de la classe politique. Elle a portĂ© plainte pour diffamation contre Hillary Clinton, qui l’avait accusĂ©e d’ĂȘtre une « favorite des Russes », avant de retirer sa plainte.

MalgrĂ© ces polĂ©miques, Gabbard affiche une dĂ©termination inĂ©branlable, refusant de revenir sur ses positions, mĂȘme face Ă  la pression mĂ©diatique et politique. Pour ses partisans, cette posture fait d’elle une figure courageuse et indĂ©pendante ; pour ses dĂ©tracteurs, une personnalitĂ© imprĂ©visible et polĂ©mique.

Perspectives : quelle issue pour la crise du renseignement américain ?

La crise actuelle autour du renseignement amĂ©ricain pose des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs, la transparence des institutions et la confiance des citoyens dans leur dĂ©mocratie. Les initiatives de Gabbard, si elles aboutissent Ă  de rĂ©elles rĂ©formes, pourraient marquer un tournant dans l’histoire des services secrets amĂ©ricains. Mais elles risquent aussi d’exacerber les divisions politiques et de fragiliser encore un peu plus une administration dĂ©jĂ  mise Ă  rude Ă©preuve par les scandales et les procĂ©dures judiciaires.

À court terme, l’enjeu principal est de restaurer la confiance entre les agences fĂ©dĂ©rales, le pouvoir politique et l’opinion publique. La publication des documents classifiĂ©s, promise par Gabbard, pourrait soit clarifier la situation, soit alimenter de nouvelles controverses, selon leur contenu et leur interprĂ©tation.

À plus long terme, la question de l’indĂ©pendance du renseignement, de la lutte contre les fuites et de la garantie de l’intĂ©gritĂ© des processus Ă©lectoraux restera au cƓur des dĂ©bats. La capacitĂ© des États-Unis Ă  surmonter cette crise institutionnelle aura des consĂ©quences majeures, non seulement sur la scĂšne intĂ©rieure, mais aussi sur leur rĂŽle sur la scĂšne internationale.

Conclusion ouverte : la dĂ©mocratie amĂ©ricaine Ă  l’épreuve

La tourmente autour de Tulsi Gabbard et des agences de renseignement amĂ©ricaines illustre les dĂ©fis auxquels la plus ancienne dĂ©mocratie du monde est confrontĂ©e Ă  l’ùre de la dĂ©sinformation, de la polarisation politique et de la dĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e envers les Ă©lites. Quel que soit le verdict des enquĂȘtes en cours, une chose est sĂ»re : la crĂ©dibilitĂ© des institutions, la transparence des processus dĂ©mocratiques et la confiance des citoyens seront des enjeux centraux dans les mois et les annĂ©es Ă  venir. L’AmĂ©rique, tout comme ses partenaires et rivaux, observe avec attention l’évolution de cette crise sans prĂ©cĂ©dent.