Goated : Lâessor fulgurant du culte de lâexcellence dans le sport et le divertissement
Un mot dâordre planĂ©taire : âGoatedâ, la cĂ©lĂ©bration moderne du gĂ©nie
Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2020, une nouvelle expression sâest ancrĂ©e dans la culture populaire mondiale : « goated », dĂ©rivĂ© de lâacronyme anglais GOAT (Greatest Of All Time). Jadis rĂ©servĂ© Ă des cercles dâinitiĂ©s, ce qualificatif sâest imposĂ© dans les discussions de fans comme dans les plates-formes numĂ©riques, de Twitter Ă TikTok, pour dĂ©signer des figures qui incarnent lâexcellence ultime, tant dans le sport, la musique que le divertissement. Cette transformation sâaccompagne dâune vĂ©ritable ferveur collective : memes, dĂ©bats passionnĂ©s, campagnes de fans et hashtags viraux rythment aujourdâhui la quĂȘte du « plus grand de tous les temps ».
Une origine sportive, une portée culturelle globale
Lâexclamation « goated », et son jumeau GOAT, trouve ses racines dans le lexique sportif anglophone dĂšs les annĂ©es 1990. Historiquement, le terme aurait Ă©mergĂ© autour de la figure de Muhammad Ali, boxeur lĂ©gendaire auto-proclamĂ© « Greatest of All Time ». Michael Jordan, icĂŽne du basket, a largement participĂ© Ă la popularisation de ce label durant la dĂ©cennie 1990, avant quâil ne se dĂ©mocratise dĂšs les annĂ©es 2000 dans dâautres disciplines.
Mais lâhistoire du mot, comme le rappellent certains historiens du sport, est bien plus ancienne. DĂšs lâAntiquitĂ© grecque, la chĂšvre (goat⊠en anglais) servait de symbole dâexcellence lors des Jeux olympiques, certains vainqueurs recevant mĂȘme des chĂšvres en rĂ©compense. Si le sens moderne a largement dĂ©viĂ© de ces origines, il nâen reste pas moins porteur de valeurs dâexception et dâadmiration gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
De Michael Jordan Ă Serena Williams : lâĂ©volution du concept
Longtemps associĂ© aux grands noms du basket nord-amĂ©ricain, le concept GOAT se propage Ă partir des annĂ©es 2010 au-delĂ des terrains de sport. Aujourdâhui, il nâest plus rare de voir des fans proclamer Serena Williams ou Rafael Nadal « goated » aprĂšs un Ă©niĂšme exploit tennistique, ou dâassocier le terme Ă des personnalitĂ©s issues de la musique, de la mode, voire de la pop culture.
Ce phĂ©nomĂšne sâalimente via les rĂ©seaux sociaux. La plateforme Twitter observe frĂ©quemment des pics dâutilisation de lâemoji chĂšvre âđâ lors de victoires historiques, jusquâĂ 330 000 tweets pour un Super Bowl, ou lors de moments marquants comme lâentrĂ©e dâIchiro Suzuki au Baseball Hall of Fame en 2025. Le phĂ©nomĂšne ne sâarrĂȘte pas Ă la sphĂšre sportive : BeyoncĂ©, Taylor Swift, Eminem ou encore le manga One Piece sont rĂ©guliĂšrement dĂ©signĂ©s comme âgoatedâ par leurs communautĂ©s respectives.
Un moteur Ă©conomique pour lâindustrie du sport et du divertissement
La cĂ©lĂ©bration de lâexcellence Ă travers « goated » nâest pas seulement symbolique : elle porte des rĂ©percussions Ă©conomiques notables.
- Les athlĂštes considĂ©rĂ©s comme GOAT ou âgoatedâ voient leur valeur monter en flĂšche, que ce soit en termes de contrats de sponsoring, de ventes de produits dĂ©rivĂ©s ou de droits Ă lâimage. Ainsi, la âcourse au GOATâ devient un argument de vente dans les nĂ©gociations commerciales et contrats de marques.
- Du cĂŽtĂ© des labels musicaux ou cinĂ©matographiques, appuyer la narrative autour de lâexceptionnel (âlâartiste le plus rĂ©compensĂ©â, âla performance la plus vue de tous les tempsâ) devient un pilier stratĂ©gique de positionnement et de fidĂ©lisation des fans.
- Sur les rĂ©seaux sociaux, un hashtag â#goatedâ bien placĂ© peut gĂ©nĂ©rer des millions dâinteractions, bĂątissant instantanĂ©ment une communautĂ© fidĂšle autour dâune star ou dâune Ćuvre, boostant ainsi consommations numĂ©riques et ventes physiques liĂ©es.
Ce phĂ©nomĂšne mondial bĂ©nĂ©ficie aux plateformes diffusant ces contenus âgoatedâ, leur permettant de monĂ©tiser lâengagement des utilisateurs et de dynamiser leurs propres audiences.
La viralité numérique, une culture du buzz et du débat
Lâun des ressorts majeurs de la âgoated cultureâ rĂ©side dans la viralitĂ©. PortĂ©s par une gĂ©nĂ©ration ultra-connectĂ©e, les dĂ©bats sur âqui est vraiment le GOAT ?â alimentent discussions, clashs et analyses comparatives.
- Les grands Ă©vĂ©nements (finales, remises de prix, sorties majeures dâalbums ou de films) servent de catalyseur, propulsant en quelques minutes un exploit ou une dĂ©claration au rang de âgoated momentâ.
- Des contenus parodiques ou hommages, des compilations sur YouTube ou des threads détaillés sur X/Twitter mettent en valeur les exploits passés et présents.
- Le concept contamine le langage quotidien : dans les Ă©coles, au bureau ou en famille, âgoatedâ devient synonyme dâadmiration, parfois dĂ©tournĂ© avec humour pour dĂ©signer un plat exceptionnel ou une stratĂ©gie ingĂ©nieuse dans un jeu vidĂ©o.
Cette compĂ©tition permanente autour de lâexcellence anime la sphĂšre publique et favorise une dynamique dâĂ©mulation sans prĂ©cĂ©dent.
Les critÚres de sélection : entre objectivité et émotion
La dĂ©signation de lâĂ©lu du titre âGOATâ sâappuie sur un double prisme mĂȘlant indicateurs objectifs (palmarĂšs, records, longĂ©vitĂ©) et subjectifs (charisme, impact culturel).
Historiquement, les statistiques servent de fondement aux classements : nombre de victoires, de mĂ©dailles olympiques, de trophĂ©es mondiaux, records individuels. Wayne Gretzky, lĂ©gende du hockey sur glace, Ă©marge parmi les âGOAT des GOATsâ pour la rĂ©gularitĂ© et la domination affichĂ©e pendant des dĂ©cennies. Michael Jordan, Serena Williams, Usain Bolt ou encore Tiger Woods constituent dâautres repĂšres incontournables.
NĂ©anmoins, lâaspect Ă©motionnel influe fortement : le style, la crĂ©ativitĂ©, la rĂ©silience face Ă lâadversitĂ©, lâinspiration gĂ©nĂ©rĂ©e auprĂšs du public pĂšsent considĂ©rablement dans la perception de lâexceptionnalitĂ©.
Comparaisons internationales : ce que révÚlent les tendances régionales
Si le phĂ©nomĂšne âgoatedâ sâenracine dans les cultures anglo-saxonnes, il sâexporte spectaculairement. Les dĂ©bats sur la suprĂ©matie de PelĂ© ou de Maradona en AmĂ©rique latine, la reconnaissance de champions comme Roger Federer ou Novak Djokovic en Europe, ou encore lâengouement pour Hidetoshi Nakata ou Ichiro Suzuki en Asie tĂ©moignent dâune appropriation locale du concept.
- En France, le titre de âGOATâ fait rĂ©guliĂšrement dĂ©bat pour des sportifs comme ZinĂ©dine Zidane, Tony Parker ou Teddy Riner, mais aussi pour des chanteurs comme Johnny Hallyday ou des chefs Ă©toilĂ©s.
- Les médias sportifs européens multiplient les dossiers comparatifs, interrogeant la capacité à établir des étalonnages objectifs entre époques et disciplines.
- Sur le continent africain, les exploits de George Weah, Samuel Etoâo ou Haile Gebrselassie alimentent Ă©galement lâhĂ©roĂŻsation âgoatedâ.
Effets sur la société : inspiration, motivation⊠et parfois pression
Pour des millions de jeunes, la culture du âgoatedâ devient source dâinspiration, de motivation et de projection. Les athlĂštes et artistes couronnĂ©s marquent les imaginaires, servent de modĂšles Ă suivre et de preuves que lâexcellence et la persĂ©vĂ©rance mĂšnent loin. Les enseignants, coachs ou parents citent volontiers les âgoated momentsâ comme exemples pour inciter Ă donner le meilleur de soi-mĂȘme.
Mais cette idolĂątrie suscite Ă©galement des interrogations : la barre toujours plus haute de lâexcellence impose une pression sur les gĂ©nĂ©rations futures, exposĂ©es Ă des modĂšles de rĂ©ussite parfois inatteignables. Les figures elles-mĂȘmes â sportifs ou artistes â expriment rĂ©guliĂšrement leur ambivalence face Ă la montĂ©e de lâĂ©tiquette âGOATâ, prĂ©fĂ©rant, parfois, lâhumilitĂ© Ă la glorification.
MĂšmes, campagnes de fans et avenir du terme
Au-delĂ du sĂ©rieux du dĂ©bat, âgoatedâ sâimpose aussi comme objet ludique. Les mĂšmes dĂ©tournent le symbole de la chĂšvre, parodiant des scĂšnes emblĂ©matiques, ou intĂ©grant des combos inattendus (par exemple : «âŻCe kebab, câest goatedâŻ!âŻÂ»). Les campagnes de fans, quant Ă elles, mobilisent lâĂ©nergie collective pour faire gagner des votes, valoriser lâhĂ©ritage dâune star ou relancer des carriĂšres oubliĂ©es.
Ce tourbillon ne montre aucun signe dâessoufflement : avec la multiplication des rĂ©seaux et la digitalisation croissante des audiences, tout laisse Ă penser que le phĂ©nomĂšne âgoatedâ continuera de façonner le paysage socioculturel mondial pour de nombreuses annĂ©es.
Conclusion : quand « goated » façonne nos mythes contemporains
Loin dâĂȘtre un simple mot Ă la mode, âgoatedâ dessine une cartographie mouvante de nos passions, de nos repĂšres dâexcellence et de nos hĂ©ros du quotidien. Il traduit une volontĂ© collective de reconnaĂźtre, cĂ©lĂ©brer, et parfois questionner, le gĂ©nie humain sous toutes ses formes. Lâhistoire retiendra peut-ĂȘtre que cette chĂšvre numĂ©rique, devenue icĂŽne du XXIá” siĂšcle, aura su unir les foules dans une quĂȘte universelle de grandeur.
Avec lâessor global du phĂ©nomĂšne, le dĂ©bat reste ouvertâŻ: qui sera le prochain Ă mĂ©riter le titre, et quâest-ce que cela dit de nous tousâŻ? Dâune chose, le monde semble aujourdâhui certain : ĂȘtre âgoatedâ, câest plus quâun compliment. Câest une consĂ©cration.