LâONU face Ă la tourmente : scrutin, dĂ©missions et crise humanitaire Ă Gaza
LâOrganisation des Nations Unies sous les projecteurs
LâOrganisation des Nations Unies (ONU) traverse une pĂ©riode de tension et de dĂ©fi, alors que la crise humanitaire Ă Gaza continue de sâaggraver et que lâorganisation est secouĂ©e par des dĂ©missions au sein de ses instances dâenquĂȘte les plus en vue. Les rĂ©centes morts de dizaines de Palestiniens cherchant de lâaide auprĂšs de lâONU Ă Gaza ont dĂ©clenchĂ© une vague dâindignation internationale et amenĂ© le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral AntĂłnio Guterres Ă rĂ©itĂ©rer ses appels Ă un cessez-le-feu immĂ©diat, Ă la libĂ©ration des otages et Ă lâaccĂšs humanitaire sans entraves. Par ailleurs, le dĂ©part collectif des membres de la commission dâenquĂȘte de lâONU sur IsraĂ«l a cristallisĂ© critiques et inquiĂ©tudes quant Ă la neutralitĂ© de lâorganisation, alors mĂȘme que lâurgence humanitaire ne cesse de croĂźtre.
Crise humanitaire Ă Gaza : le bilan tragique
La bande de Gaza, enclave palestinienne densĂ©ment peuplĂ©e et durement frappĂ©e par les opĂ©rations militaires, traverse une crise humanitaire dâune ampleur inĂ©dite. Au cours du dernier week-end, plusieurs dizaines de Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s alors quâils tentaient dâobtenir de lâaide auprĂšs dâun point de distribution gĂ©rĂ©, en partie, sous mandat onusien. Ce nouvel Ă©pisode de violence intervient dans un contexte oĂč le systĂšme dâaide humanitaire peine dĂ©jĂ Ă rĂ©pondre Ă des besoins colossaux engendrĂ©s par des mois de conflit.
LâUNICEF, agence des Nations Unies en premiĂšre ligne, a rĂ©cemment lancĂ© lâalerte sur des niveaux de malnutrition « catastrophiques » parmi les enfants de Gaza. Selon lâorganisation, la pĂ©nurie dâeau potable, la destruction des infrastructures mĂ©dicales et lâaccĂšs extrĂȘmement limitĂ© aux biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ© exposent toute une gĂ©nĂ©ration Ă des sĂ©quelles Ă long terme, tant physiques que psychologiques. Les appels Ă une aide dâurgence accrue et Ă un accĂšs humanitaire garanti se multiplient, tandis que de nombreux habitants tĂ©moignent dâun dĂ©sespoir croissant face Ă lâincapacitĂ© de la communautĂ© internationale Ă inverser la tendance.
Une histoire marquĂ©e par lâinstabilitĂ© et la prĂ©caritĂ©
La situation actuelle Ă Gaza sâinscrit dans un cadre historique fait dâinstabilitĂ©, de siĂšge Ă©conomique et de cycles de conflits frĂ©quents. Depuis le blocus imposĂ© en 2007, la rĂ©gion vit sous des restrictions Ă la fois humaines et matĂ©rielles sans prĂ©cĂ©dent. Chaque nouvelle escalade militaire fragilise davantage le tissu social et infrastructurel palestinien, rendant lâintervention internationale de plus en plus dĂ©cisive.
Au fil des dĂ©cennies, lâONU est souvent intervenue comme acteur central dans la gestion des crises Ă Gaza, que ce soit par lâagence pour les rĂ©fugiĂ©s palestiniens (UNRWA) ou par le biais de missions dâenquĂȘte et de cĂ©rĂ©monies diplomatiques. Pourtant, les critiques rĂ©currentes sur lâefficacitĂ©, la neutralitĂ© et les moyens de lâorganisation accompagnent chaque nouvelle flambĂ©e de violence.
DĂ©missions en chaĂźne Ă la commission dâenquĂȘte de lâONU sur IsraĂ«l
Le 15 juillet 2025, la communautĂ© internationale apprend la dĂ©mission simultanĂ©e des trois membres de la commission dâenquĂȘte indĂ©pendante chargĂ©e par les Nations Unies de se pencher sur les violations des droits humains dans les territoires palestiniens occupĂ©s. Navi Pillay, prĂ©sidente de la commission et ancienne Haut-Commissaire aux droits de lâhomme de lâONU, justifie son dĂ©part par « lâĂąge, des raisons mĂ©dicales et le poids dâautres engagements ». Chris Sidoti Ă©voque un « moment opportun » pour une restructuration de lâinstance, tandis que Miloon Kothari prĂ©fĂšre sâen tenir Ă des remerciements protocolaires.
Cette vague de dĂ©parts survient alors que la commission Ă©tait sous le feu croisĂ© de critiques pour son prĂ©tendu parti pris anti-israĂ©lien, une critique relayĂ©e notamment par une coalition de 22 Ătats. Elle fait Ă©galement suite Ă la dĂ©cision des Ătats-Unis dâimposer des sanctions Ă certains experts internationaux engagĂ©s sur ces questions, un Ă©vĂ©nement sans prĂ©cĂ©dent dans lâhistoire rĂ©cente de lâONU. Les opposants de la commission Ă©voquent une institution « nĂ©e du prĂ©jugĂ© » voulue pour « cibler IsraĂ«l, tout en ignorant le rĂŽle du Hamas, du Hezbollah et de l'AutoritĂ© Palestinienne ».
Si le Conseil des droits de lâhomme de lâONU nâa pas autoritĂ© sur les Ătats souverains, il fournit nĂ©anmoins un forum public de dĂ©nonciation et collecte des preuves susceptibles dâalimenter la justice internationale. MalgrĂ© les dĂ©parts, le prĂ©sident du Conseil a dâailleurs appelĂ© les Ătats membres Ă proposer de nouveaux commissaires dâici la fin de lâĂ©tĂ©.
Lâimpact Ă©conomique et social de la crise Ă Gaza
Au-delĂ des drames humains, la crise actuelle Ă Gaza engendre un coĂ»t Ă©conomique majeur, estimĂ© en milliards de dollars de pertes cumulĂ©es depuis le dĂ©but des hostilitĂ©s. Les infrastructures vitales â hĂŽpitaux, Ă©coles, rĂ©seaux dâeau et dâĂ©lectricitĂ© â ont Ă©tĂ© gravement endommagĂ©es, amplifiant la dĂ©pendance de la population Ă lâaide internationale.
Lâinterruption des chaĂźnes dâapprovisionnement, la fermeture des points de passage et lâeffondrement des activitĂ©s agricoles, artisanales et commerciales plongent la rĂ©gion dans une rĂ©cession persistante. Face Ă ces chiffres, le rĂŽle des bailleurs internationaux, dont lâONU, devient crucial pour orchestrer la reconstruction, malgrĂ© les obstacles logistiques et politiques qui retardent, voire empĂȘchent, la livraison de lâaide. Les observateurs rĂ©gionaux signalent le risque de contagion Ă©conomique Ă lâensemble du Proche-Orient, notamment en Jordanie et au Liban, deux pays dĂ©jĂ fragilisĂ©s par des crises internes et lâafflux massif de rĂ©fugiĂ©s palestiniens.
LâONU entre engagement humanitaire et questionnements sur sa neutralitĂ©
MalgrĂ© les critiques, lâONU ne cesse dâaffirmer son engagement sur les principes de neutralitĂ©, dâimpartialitĂ©, dâindĂ©pendance et dâhumanitĂ©. AntĂłnio Guterres a martelĂ© la nĂ©cessitĂ© de garantir Ă la population gazaouie un accĂšs sĂ»r et ininterrompu Ă lâaide, tout en rappelant lâappel Ă la libĂ©ration des otages et Ă la cessation immĂ©diate des hostilitĂ©s.
Cet engagement est cependant remis en cause avec insistance par certains Ătats membres et ONG, pour qui la perception dâun dĂ©sĂ©quilibre dans la gestion des conflits du Moyen-Orient nuit Ă la lĂ©gitimitĂ© onusienne. Ce dĂ©bat dĂ©passe dâailleurs le seul cadre israĂ©lo-palestinien : il cristallise des enjeux globaux sur la place de lâONU dans lâarbitrage des crises internationales, ainsi que sur lâusage de sanctions et autres moyens dâinfluence par ses membres les plus puissants.
Comparaisons rĂ©gionales : lâaide humanitaire en contexte
La crise actuelle Ă Gaza nâest pas un cas isolĂ© dans lâhistoire rĂ©cente du Proche-Orient. Dâautres foyers de conflit â Syrie, YĂ©men, Liban â ont vu lâONU jouer un rĂŽle de coordinateur et de bailleur de fonds, avec des succĂšs mitigĂ©s. Par exemple, en Syrie, lâorganisation a dĂ» composer avec un accĂšs restreint Ă certaines rĂ©gions contrĂŽlĂ©es par des groupes opposĂ©s au rĂ©gime, soulevant des questions similaires de neutralitĂ©, dâefficacitĂ© et dâĂ©quitĂ© dans la distribution de lâaide.
Au Liban, aprĂšs lâexplosion du port de Beyrouth, lâONU sâest imposĂ©e en chef dâorchestre dâune aide internationale massive, mais a Ă©tĂ© contrainte de travailler dans un contexte de dĂ©fiance institutionnelle et de paralysie politique. La gestion de la pandĂ©mie de COVID-19, enfin, a illustrĂ© comment les inĂ©galitĂ©s dâaccĂšs Ă lâaide et aux vaccins dans la rĂ©gion peuvent accentuer les fractures sociales et nourrir lâinstabilitĂ©. Dans toutes ces situations, le dĂ©licat Ă©quilibre entre engagement humanitaire, respect des souverainetĂ©s nationales et acceptation locale de lâaction onusienne reste le principal dĂ©fi.
Réactions publiques et perspectives
Ă travers le monde, la sociĂ©tĂ© civile et de nombreux gouvernements continuent dâexprimer leurs inquiĂ©tudes face Ă lâescalade de la violence Ă Gaza et aux difficultĂ©s rencontrĂ©es par lâONU pour rĂ©pondre Ă lâurgence. Des rassemblements de soutien Ă la population gazaouie ont eu lieu dans plusieurs capitales, et des campagnes de dons tentent de pallier lâinsuffisance de lâaide institutionnelle.
Pour lâONU, le dĂ©fi sera double dans les mois Ă venir : restaurer, autant que faire se peut, la confiance dans sa capacitĂ© Ă agir de façon impartiale tout en accĂ©lĂ©rant le dĂ©ploiement dâune aide humanitaire massive. Les nominations Ă venir au sein des commissions dâenquĂȘte, ainsi que la gestion de la pression exercĂ©e par certains membres influents du Conseil de sĂ©curitĂ© et de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, dĂ©termineront pour une large part la capacitĂ© de lâorganisation Ă jouer un rĂŽle constructif dans la rĂ©solution de la crise.
Un avenir incertain mais crucial
La combinaison, rare, d'aggravation humanitaire, de dĂ©parts retentissants et de remise en question de la lĂ©gitimitĂ© occupe aujourdâhui le devant de la scĂšne onusienne. MalgrĂ© les soubresauts internes et la pression internationale, lâONU demeure lâun des seuls acteurs capables dâorganiser la rĂ©ponse aux dĂ©fis multiples de Gaza â Ă condition dâen rĂ©former la gouvernance et de prĂ©server les fondements de son action humanitaire.
La situation actuelle interroge directement la pertinence et lâefficacitĂ© du systĂšme multilatĂ©ral face aux crises les plus extrĂȘmes du XXIe siĂšcle. Alors que le sort de centaines de milliers de civils dĂ©pend de lâaction coordonnĂ©e de la communautĂ© internationale, la rĂ©invention partielle du rĂŽle de lâONU apparaĂźt dĂ©sormais incontournable pour rĂ©pondre aux attentes dâune rĂ©gion et dâun monde en quĂȘte de justice, de paix et de stabilitĂ© durable.