Le Smithsonian face Ă un examen de la Maison-Blanche pour sâaligner sur la vision de lâhistoire amĂ©ricaine de Trump
Washington, 20 aoĂ»t 2025 â Le Smithsonian Institution, lâun des plus vastes complexes musĂ©aux et Ă©ducatifs du monde, est placĂ© sous les projecteurs politiques aprĂšs lâannonce par la Maison-Blanche dâune rĂ©vision complĂšte de ses expositions, archives et contenus pĂ©dagogiques. Lâobjectif affichĂ© : harmoniser la prĂ©sentation de lâhistoire amĂ©ricaine avec la vision du prĂ©sident Donald Trump, centrĂ©e sur lâ« exceptionnalisme amĂ©ricain » et sur une lecture unificatrice du passĂ© des Ătats-Unis. Cette dĂ©marche intervient Ă lâapproche du 250e anniversaire de lâindĂ©pendance du pays, prĂ©vu pour 2026.
Une rĂ©vision sans prĂ©cĂ©dent dans lâhistoire du Smithsonian
FondĂ© en 1846, le Smithsonian Institution regroupe 21 musĂ©es, une bibliothĂšque nationale et le cĂ©lĂšbre Zoo national. Chaque annĂ©e, ses musĂ©es accueillent plus de 30 millions de visiteurs, tandis que ses collections â plus de 154 millions dâobjets â couvrent pratiquement tous les aspects de lâhistoire, de lâart, des sciences et de la culture amĂ©ricaine.
Jamais dans son histoire rĂ©cente le Smithsonian nâavait fait lâobjet dâune rĂ©vision officielle commanditĂ©e par la Maison-Blanche. Traditionnellement, lâinstitution a toujours revendiquĂ© une indĂ©pendance scientifique et acadĂ©mique, encadrĂ©e par des Ă©quipes de chercheurs et de conservateurs. Cette indĂ©pendance constitue dâailleurs un gage de crĂ©dibilitĂ© internationale.
Avec cette nouvelle initiative, la Maison-Blanche affirme vouloir « éliminer les biais partisans » et « promouvoir une histoire qui unit les Américains autour de leurs réussites communes ».
LâĂ©pisode dĂ©clencheur : lâexposition sur la destitution de Trump
La dĂ©cision intervient aprĂšs une controverse rĂ©cente au sein du National Museum of American History. Dans une vitrine consacrĂ©e aux procĂ©dures de destitution prĂ©sidentielles, le nom de Donald Trump avait dâabord Ă©tĂ© retirĂ© temporairement, puis rĂ©introduit avec une nouvelle formulation dĂ©crivant sa premiĂšre procĂ©dure dâimpeachment comme « allĂ©guĂ©e » plutĂŽt quâ« actĂ©e ».
Ce choix linguistique, jugĂ© trop nuancĂ© par certains et trop marquĂ© politiquement par dâautres, a Ă©tĂ© vu comme un symptĂŽme plus large : celui du pouvoir des musĂ©es Ă façonner la mĂ©moire collective. La Maison-Blanche a saisi lâopportunitĂ© pour annoncer une rĂ©vision gĂ©nĂ©rale visant à « corriger » ce quâelle appelle des « narrations polarisantes ».
Objectif 2026 : un récit national calibré pour le 250e anniversaire
LâannĂ©e 2026 marquera un tournant symbolique avec la commĂ©moration du quart de millĂ©naire de la DĂ©claration dâindĂ©pendance. Lâadministration Trump souhaite tirer parti de cette cĂ©lĂ©bration pour diffuser, dans lâensemble du pays, un rĂ©cit historique marquĂ© par la grandeur amĂ©ricaine.
Le Smithsonian, avec son rÎle éducatif central, est considéré comme un vecteur puissant. Les orientations annoncées insistent sur trois axes :
- Valoriser les rĂ©ussites militaires, technologiques et Ă©conomiques des Ătats-Unis.
- AttĂ©nuer ou rééquilibrer les aspects jugĂ©s « trop critiques », notamment concernant lâesclavage, la sĂ©grĂ©gation ou les interventions militaires contestĂ©es.
- Mettre en avant des figures et Ă©vĂ©nements illustrant la prospĂ©ritĂ©, la rĂ©silience et lâunitĂ© nationales.
Les inquiétudes des historiens et des conservateurs
De nombreux professionnels du patrimoine sâinquiĂštent dâun risque de politisation excessive. Selon James Grossman, directeur de lâAmerican Historical Association, « les musĂ©es doivent reflĂ©ter la complexitĂ© du passĂ©, mĂȘme lorsquâelle dĂ©range. Lisser les tensions ou minimiser certaines injustices reviendrait Ă priver les citoyens dâoutils essentiels pour comprendre leur prĂ©sent ».
Plusieurs conservateurs du Smithsonian rappellent que des tensions similaires ont dĂ©jĂ Ă©clatĂ© dans les annĂ©es 1990, notamment avec lâexposition controversĂ©e de lâEnola Gay, lâavion qui lĂącha la premiĂšre bombe atomique sur Hiroshima. Ă lâĂ©poque, des associations de vĂ©tĂ©rans et des responsables politiques avaient protestĂ© contre une prĂ©sentation jugĂ©e trop critique de la dĂ©cision amĂ©ricaine. LâĂ©pisode avait conduit Ă un remaniement de lâexposition, marquant un prĂ©cĂ©dent oĂč la politique influençait directement les choix musĂ©ographiques.
Un enjeu économique et touristique majeur
Le débat ne se limite pas à une question culturelle. Avec ses millions de visiteurs annuels, le Smithsonian représente une manne touristique considérable pour Washington D.C. et le pays entier. Les musées nationaux américains sont en accÚs libre, soutenus par un budget fédéral qui dépasse le milliard de dollars par an.
Une rĂ©orientation de leurs expositions pourrait influencer Ă la fois la frĂ©quentation et lâimage internationale des Ătats-Unis. Certains experts craignent que des choix trop alignĂ©s sur une narration politique rĂ©duisent lâattrait scientifique et la rĂ©putation du Smithsonian auprĂšs des chercheurs Ă©trangers. Ă lâinverse, les partisans de la rĂ©forme estiment quâun rĂ©cit plus « patriotique » renforcerait la fiertĂ© nationale et attirerait un nouveau public familial, particuliĂšrement Ă lâoccasion des commĂ©morations de 2026.
Comparaisons internationales : quand lâhistoire devient un outil dâĂtat
Le cas amĂ©ricain nâest pas isolĂ©. Dans de nombreux pays, lâhistoire nationale fait lâobjet de rĂ©cits institutionnels calibrĂ©s. En France, la RĂ©volution et la RĂ©publique sont largement mises en scĂšne dans les musĂ©es nationaux pour renforcer une identitĂ© civique commune. En Russie, les musĂ©es consacrĂ©s Ă la Seconde Guerre mondiale â appelĂ©e la « Grande Guerre patriotique » â mettent en avant un rĂ©cit hĂ©roĂŻque, parfois au dĂ©triment dâune analyse plus nuancĂ©e des alliances et des pertes. En Chine, les expositions soulignent la continuitĂ© millĂ©naire de la civilisation et lâessor du pays moderne.
Les Ătats-Unis, traditionnellement, avaient cultivĂ© une approche plus pluraliste, en laissant coexister diffĂ©rentes perspectives. Le projet actuel marque donc un virage potentiellement significatif vers une narration centralisĂ©e et volontiers cĂ©lĂ©brative.
La réaction du public : entre adhésion et scepticisme
Parmi les AmĂ©ricains, les premiĂšres rĂ©actions se rĂ©vĂšlent contrastĂ©es. Certains citoyens, notamment dans les Ătats du Midwest et du Sud, accueillent favorablement lâidĂ©e de prĂ©senter une histoire nationale moins focalisĂ©e sur les divisions et davantage sur les succĂšs collectifs.
Ă lâinverse, de nombreux enseignants, associations mĂ©morielles et jeunes gĂ©nĂ©rations expriment leur inquiĂ©tude sur les rĂ©seaux sociaux : « Cacher les contradictions du passĂ© ne les fait pas disparaĂźtre », estime une Ă©tudiante de New York. Dâautres soulignent que les visiteurs internationaux attendent une approche scientifique, et non idĂ©ologique, lorsquâils dĂ©couvrent les musĂ©es nationaux.
Un équilibre difficile entre mémoire et identité
Le cĆur du dĂ©bat rĂ©side dans la nature mĂȘme de lâhistoire enseignĂ©e dans lâespace public. Dâun cĂŽtĂ©, le gouvernement met en avant lâimportance de lâunitĂ© nationale et du rĂ©cit positif face aux divisions contemporaines. De lâautre, chercheurs et conservateurs rappellent que lâhistoire est faite autant de rĂ©ussites que de drames, et que son rĂŽle citoyen est dâĂ©veiller Ă la complexitĂ©, non de lâĂ©luder.
Le Smithsonian se trouve ainsi à un carrefour historique : devra-t-il céder à une homogénéisation politique de ses contenus ou continuera-t-il à incarner la pluralité des récits américains ?
Perspectives Ă lâhorizon du 250e anniversaire
Ă quelques mois seulement des cĂ©lĂ©brations de 2026, les pressions sâaccentuent. Les premiers ajustements des expositions devraient ĂȘtre visibles dĂšs le printemps 2025, selon des sources internes. Une sĂ©rie dâĂ©vĂ©nements commĂ©moratifs est dĂ©jĂ en prĂ©paration, promettant dâattirer des centaines de milliers de visiteurs supplĂ©mentaires Ă Washington.
La question demeure : ce 250e anniversaire sera-t-il lâoccasion de renforcer un imaginaire collectif autour dâune histoire triomphante, ou marquera-t-il une nouvelle Ă©tape dans une bataille culturelle oĂč la mĂ©moire nationale devient un terrain de lutte politique ?
Conclusion
Le rĂ©examen du Smithsonian par la Maison-Blanche traduit un moment charniĂšre dans la maniĂšre dont les Ătats-Unis choisissent de raconter leur passĂ©. Entre impĂ©ratifs scientifiques, enjeux touristiques et aspirations politiques, lâinstitution est dĂ©sormais au cĆur dâune controverse qui dĂ©passe largement ses murs. Ce qui est en jeu nâest pas seulement la prĂ©sentation dâun musĂ©e, mais la dĂ©finition mĂȘme de ce que signifie ĂȘtre AmĂ©ricain Ă lâaube du 250e anniversaire de lâindĂ©pendance.
Souhaitez-vous que je dĂ©veloppe aussi une chronologie historique des prĂ©cĂ©dentes controverses autour du Smithsonian (comme lâaffaire Enola Gay ou dâautres expositions sensibles), pour renforcer encore la profondeur de lâarticle ?