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Al Jazeera sous le feu des critiques mondiales pour sa couverture du conflit Ă  GazađŸ”„60

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Indep. Analysis based on open media fromtrending.

Al Jazeera dans la tourmente mondiale face Ă  la couverture de Gaza — Doha, Qatar – Face Ă  une recrudescence des violences dans la bande de Gaza, le rĂ©seau d’informations Al Jazeera, basĂ© Ă  Doha, devient une nouvelle fois l’épicentre d’un intense dĂ©bat mondial sur la libertĂ© de la presse, le rĂŽle des journalistes en zones de conflit et le traitement mĂ©diatique du conflit israĂ©lo-palestinien. Alors que la situation humanitaire Ă  Gaza atteint des sommets alarmants, la couverture d’Al Jazeera attire autant de soutiens passionnĂ©s que de critiques virulentes, tĂ©moignant d’un paysage mĂ©diatique polarisĂ© Ă  l’échelle internationale.

PrĂ©lude historique : Al Jazeera, un acteur incontournable de l’information FondĂ© en 1996 avec l’appui du gouvernement qatari, Al Jazeera s’est imposĂ© au fil des dĂ©cennies comme une voix majeure dans la couverture des conflits au Moyen-Orient, en particulier lors des guerres d’Afghanistan, d’Irak et des rĂ©volutions du Printemps arabe. GrĂące Ă  un vaste rĂ©seau de correspondants et Ă  une diffusion multilingue (arabe, anglais, turc, bosniaque), la chaĂźne a rapidement Ă©largi son audience au-delĂ  du monde arabe, se forgeant la rĂ©putation d’un mĂ©dia offensif, soucieux d’offrir des perspectives locales souvent nĂ©gligĂ©es par les chaĂźnes occidentales.

DĂšs le dĂ©clenchement de conflits tels que la Seconde Intifada (2000), la guerre du Liban (2006) ou la crise syrienne, les reportages d’Al Jazeera sur le terrain, marquĂ©s par une narration immersive et des tĂ©moignages directs, se sont dĂ©marquĂ©s par leur capacitĂ© Ă  reflĂ©ter la voix des populations affectĂ©es. Cette approche a placĂ© la chaĂźne Ă  la croisĂ©e des critiques des gouvernements occidentaux comme des États du Proche-Orient, chacun l’accusant tour Ă  tour de partialitĂ© ou de provocation.

2025 : Gaza, la couverture qui fait controverses En aoĂ»t 2025, la mort de cinq journalistes d’Al Jazeera, dont le correspondant chevronnĂ© Anas al-Sharif lors d’une frappe israĂ©lienne Ă  Gaza City, a dĂ©clenchĂ© une onde de choc internationale. Le rĂ©seau qatarien a condamnĂ© ce qu’il qualifie d’« assassinat ciblé », y voyant une tentative manifeste d’étouffer la couverture des exactions Ă  Gaza. Cette accusation s’est vue relayĂ©e par des institutions internationales telle que l’ONU, par la voix de spĂ©cialistes de la libertĂ© d’expression, ainsi que la mission palestinienne, qui qualifient les journalistes comme « les yeux de Gaza », indispensables Ă  la documentation des crises humanitaires.

L’armĂ©e israĂ©lienne, de son cĂŽtĂ©, a revendiquĂ© une frappe dirigĂ©e contre Anas al-Sharif, l’accusant de liens avec Hamas et de participation Ă  la logistique des attaques anti-israĂ©liennes—aussitĂŽt dĂ©menti par la chaĂźne et plusieurs ONG internationales dĂ©fendant la cause de la presse indĂ©pendante. Selon le ComitĂ© pour la protection des journalistes (CPJ), 186 reporters auraient perdu la vie Ă  Gaza depuis le dĂ©but du conflit. La violence de ces pertes ravive le dĂ©bat sur la sĂ©curitĂ© des journalistes et l’importance cruciale de leur mission sur les terrains Ă  haut risque.

Un paysage humanitaire catastrophique relayĂ© en continu Les images et reportages diffusĂ©s par Al Jazeera depuis Gaza mettent en lumiĂšre l’aggravation d’une crise humanitaire dĂ©jĂ  endĂ©mique. Les Ă©quipes de la chaĂźne tĂ©moignent de conditions proches de la famine pour plus de 500 000 habitants ainsi que de la mort de plus de 1 000 Palestiniens sur des sites de distribution d’aide depuis le mois de mai. Des descriptions poignantes montrent l’épuisement des rĂ©serves alimentaires, la difficultĂ© d’accĂ©der Ă  l’eau potable et la prĂ©sence de populations entiĂšres piĂ©gĂ©es dans des zones assiĂ©gĂ©es.

En parallĂšle de la couverture de terrain, Al Jazeera enquĂȘte sur les dysfonctionnements de la distribution de l’aide internationale et les obstacles bureaucratiques imposĂ©s, allant jusqu’à rĂ©vĂ©ler des pratiques jugĂ©es « non professionnelles » sur certains sites, Ă©branlant la confiance du public dans les mĂ©canismes humanitaires internationaux.

RĂ©actions internationales et mobilisation citoyenne La partialitĂ© prĂ©sumĂ©e d’Al Jazeera fait ressurgir d’anciennes polĂ©miques. Alors que le rĂ©seau est saluĂ© dans plusieurs pays europĂ©ens pour son rĂŽle dans la documentation des crimes de guerre, il essuie de vives critiques, notamment en Inde oĂč un incident Ă  bord d’un vol a Ă©tĂ©, selon certains, « mal interprĂ©té » par une de ses journalistes.

Une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e en aoĂ»t 2025 dans cinq pays rĂ©vĂšle des opinions trĂšs tranchĂ©es sur le conflit. Si 61% des Grecs et 60% des Espagnols condamnent les opĂ©rations israĂ©liennes, seul un tiers des BrĂ©siliens exprime la mĂȘme opposition. Face Ă  l’ampleur des bombardements—qui auraient dĂ©passĂ© 60 000 morts—et au nombre record d’enfants amputĂ©s selon les ONG, la sociĂ©tĂ© civile internationale s’agite : manifestations, campagnes de boycott, et pressions sur les gouvernements pour un arrĂȘt des transferts d’armes vers IsraĂ«l.

RĂ©percussions Ă©conomiques et stratĂ©giques La couverture d’Al Jazeera participe Ă  la prise de conscience Ă©conomique Ă  grande Ă©chelle. En juin 2025, la compagnie maritime danoise Maersk s’est dĂ©sengagĂ©e d’entreprises liĂ©es aux colonies israĂ©liennes aprĂšs des rĂ©vĂ©lations sur ses circuits d’approvisionnement. Dans la foulĂ©e, la NorvĂšge a menĂ© une réévaluation de son fonds souverain, en raison de participations dans des sociĂ©tĂ©s fournissant des piĂšces dĂ©tachĂ©es pour l’aviation militaire israĂ©lienne.

Ce phĂ©nomĂšne rĂ©vĂšle l’influence croissante de l’opinion publique internationale, alimentĂ©e par une couverture mĂ©diatique continue et des rĂ©seaux sociaux. Les choix de placements Ă©thiques, le dĂ©sengagement de grands groupes et la pression sur les marchĂ©s logistiques rĂ©gionaux commencent Ă  redessiner le commerce au Moyen-Orient. Cela rappelle d’autres Ă©pisodes rĂ©cents, comme la crise syrienne, oĂč le retrait de fonds occidentaux avait modifiĂ© durablement la structure de certains marchĂ©s, au dĂ©triment des Ă©conomies locales sinistrĂ©es.

Comparaisons rĂ©gionales : mĂ©dias, crises et perception publique La spĂ©cificitĂ© d’Al Jazeera rĂ©side dans sa capacitĂ© Ă  conjuguer informations en continu et enquĂȘtes de fond sur des conflits internationaux majeurs. Si la BBC ou CNN couvrent Ă©galement Gaza, leur approche diffĂšre : plus consensuelle parfois, leur traitement est souvent perçu, en Europe ou aux États-Unis, comme moins engagĂ© sur les enjeux locaux.

En Égypte ou en Arabie Saoudite, la chaĂźne qatarienne est rĂ©guliĂšrement accusĂ©e de nourrir l’instabilitĂ© rĂ©gionale. En Turquie, oĂč la polarisation mĂ©diatique est trĂšs forte, Al Jazeera TĂŒrk est tantĂŽt citĂ©e en exemple pour la libertĂ© d’expression, tantĂŽt dĂ©noncĂ©e pour ses partis-pris supposĂ©s.

En Afrique, l’audience croissante de la chaĂźne accroĂźt la pression sur les gouvernements pour plus de transparence dans la gestion de crises humanitaires, comme l’a montrĂ© la couverture de la guerre au Soudan. La diversitĂ© des langues de diffusion et la puissance des formules multimĂ©dia (reportages longs, podcasts, contenus interactifs) participent Ă  rendre l’information accessible Ă  des publics variĂ©s.

Les dĂ©fis Ă  venir pour le journalisme de guerre À mesure que s’intensifient les menaces contre les reporters et que les moyens technologiques s’amĂ©liorent (utilisation de drones civils, live blogging, images satellites), Al Jazeera tente de sĂ©curiser ses correspondants tout en maintenant une prĂ©sence dans les zones les plus dangereuses de la planĂšte. La mort d’Anas al-Sharif, saluĂ© comme « l’un des plus courageux journalistes de Gaza », pose la question de la relĂšve : comment former et protĂ©ger la nouvelle gĂ©nĂ©ration de journalistes de guerre alors mĂȘme que toute neutralitĂ© journalistique est contestĂ©e ?

Le rĂ©seau continue d’ailleurs d’élargir sa couverture Ă  d’autres foyers de tension (Ukraine, Liban-Sud, Afrique de l’Ouest), dĂ©montrant sa volontĂ© de jouer un rĂŽle de vigie au-delĂ  du Proche-Orient.

Enjeux pour l’avenir : indĂ©pendance, audience et influence globale L’empreinte d’Al Jazeera sur la scĂšne mĂ©diatique mondiale reste considĂ©rable malgrĂ© les controverses. Son choix de donner la parole aux minoritĂ©s, de documenter les crises humanitaires en dĂ©tail et d’offrir une plateforme aux sans-voix s’inscrit dans une longue tradition de journalisme d’intĂ©rĂȘt public. Mais au prix fort : le rĂ©seau paie un lourd tribut humain et s’expose Ă  d’incessantes pressions politiques—tant Ă  l’intĂ©rieur qu’à l’extĂ©rieur du Qatar.

L’avenir du journalisme de terrain dĂ©pendra sans doute de la capacitĂ© des grands rĂ©seaux internationaux Ă  dĂ©fendre la sĂ©curitĂ© de leurs Ă©quipes tout en continuant Ă  couvrir, sans tabou, les enjeux majeurs de notre Ă©poque. Al Jazeera semble dĂ©terminĂ© Ă  poursuivre cet engagement, mĂȘme alors que la pression, la surveillance internationale et les critiques n’ont jamais Ă©tĂ© aussi intenses.