La Chambre des représentants adopte le GENIUS Act : une étape majeure pour la régulation des stablecoins aux États-Unis

WASHINGTON, D.C. – Le jeudi 17 juillet 2025, la Chambre des représentants des États-Unis a franchi une étape historique avec l’adoption du GENIUS Act (Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins Act), à 217 voix contre 212. Cette loi emblématique vise à instaurer un cadre réglementaire clair pour les stablecoins adossés au dollar américain, tout en posant des garde-fous stricts sur les stablecoins décentralisés. Désormais dans l’attente de la signature présidentielle de Donald Trump, une cérémonie à la Maison-Blanche est déjà planifiée.

Une législation attendue par le secteur des cryptomonnaies

Le GENIUS Act représente la première initiative fédérale à grande échelle destinée à encadrer l’émission de stablecoins – ces monnaies virtuelles dont la valeur est garantie par le dollar. Son objectif central : encourager l’innovation tout en protégeant les consommateurs et le système financier. La loi crée des obligations pour les émetteurs de stablecoins, qui devront dorénavant obtenir une autorisation fédérale ou étatique, se conformer à la loi bancaire sur le secret (Bank Secrecy Act) et satisfaire aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le texte s’inscrit par ailleurs dans une série d’initiatives qualifiées de « semaine crypto » à Washington, où le président Trump a privilégié un agenda résolument tourné vers les technologies de rupture, à la demande d’une partie des républicains. D’autres projets de loi, tels que le Digital Asset Market Clarity Act et l’Anti-CBDC Surveillance State Act, ont été adoptés à la Chambre mais restent à l’étape sénatoriale.

Historique des débats et contenu du GENIUS Act

Les discussions autour du GENIUS Act remontent à la multiplication ces dernières années de projets comme Tether (USDT) et USD Coin (USDC), qui ont vu des milliards de dollars de flux financiers se déplacer hors du système bancaire traditionnel, suscitant l’inquiétude des autorités face au risque systémique. C’est après l’échec de précédents projets de loi, souvent bloqués par des désaccords sur la supervision et la coexistence entre régulateurs fédéraux et étatiques, que ce compromis a finalement émergé.

Le GENIUS Act impose :

• Une supervision conjointe des émetteurs de stablecoins par les instances fédérales (telles que la Fed ou l’OCC) et les autorités de régulation des États,
• L’interdiction d’émettre des stablecoins sans agrément explicite,
• La nécessité pour chaque émetteur d’être affilié à un établissement bancaire assuré ou d’obtenir un statut de non-banque spécialisé, sous réserve de supervision,
• L’exclusion des stablecoins conformes du statut de « securities » (titres financiers), clarifiant ainsi leur traitement légal.

Autre aspect clé : le texte limite fortement le champ d’action des stablecoins décentralisés – c’est-à-dire émis sans intermédiaire identifiable – en posant des barrières réglementaires qui rendront leur lancement plus difficile sur le marché américain.

Enjeux économiques : impact pour la Banque, Wall Street et la blockchain

La réglementation promise par le GENIUS Act répond à une demande forte, émanant notamment du secteur bancaire traditionaliste, inquiet de la croissance exponentielle du marché des stablecoins. Selon plusieurs observateurs, cette loi octroie un avantage concurrentiel aux grandes banques et fintechs américaines, susceptibles de lancer leurs propres stablecoins dans un environnement juridique apaisé et prévisible.

Du point de vue macroéconomique, l’encadrement des stablecoins vise à :

• Prévenir les risques de ruée bancaire (bank run) associés à des actifs considérés comme sûrs mais émis en dehors du filet réglementaire,
• Renforcer l’ancrage du dollar comme référence mondiale, en s’assurant que les bons émetteurs de stablecoins soient soumis à des exigences de réserve strictes,
• Doper la compétitivité du secteur financier américain, par rapport aux initiatives venues d’Europe ou d’Asie sur la « tokenisation » des actifs.

Les grandes institutions financières – dont certaines étaient déjà à l’œuvre pour proposer des solutions de paiement basées sur la blockchain – se positionnent désormais comme de potentiels leaders mondiaux grâce à cette sécurité réglementaire accrue.

Contexte historique et comparaisons internationales

L’adoption du GENIUS Act intervient dans une période de maturité pour les cryptomonnaies, longtemps marquées par une volatilité extrême et des scandales retentissants (tels que la faillite de FTX ou les attaques contre Terra-Luna). Alors que l’Union européenne met en œuvre le Règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), et que le Royaume-Uni affine ses propres cadres, les États-Unis ont pris du retard dans la normalisation des actifs numériques.

Depuis 2017, les régulateurs américains tâtonnent sur la définition juridique à donner aux cryptomonnaies. En 2022, une série de propositions – dont le STABLE Act – avait déjà cherché à mettre au pas les émetteurs privés, mais sans réussir à fédérer un large consensus. Le GENIUS Act pallie ces lacunes, tout en ménageant la susceptibilité des États – historiques garants de la régulation bancaire locale – et celle de Wall Street, soucieuse d’éviter une assimilation générale des cryptos à des titres financiers à la merci de la SEC.

En comparaison, l’Europe – via le cadre MiCA – impose aussi une autorisation préalable pour les émetteurs de stablecoins et des ratios de réserve stricts, mais laisse davantage de place aux initiatives de stablecoins privés, notamment pour les startups. En Asie, Singapour et Hong Kong se disputent le leadership, chacune offrant une réglementation flexible mais adossée à un contrôle vigilant des flux financiers.

Réactions du public et des acteurs du secteur

L’annonce du vote a suscité des réactions mitigées, à la hauteur des enjeux. Du côté des institutions, la Crypto Council for Innovation a salué le passage du GENIUS Act comme « un moment fondateur pour l’écosystème crypto américain », estimant que cette clarté réglementaire lève un frein à l’entrée d’investisseurs institutionnels et rassure les particuliers.

Les partisans de la loi soulignent que la normalisation des stablecoins favorisera :

• L’inclusion financière, grâce à des outils de paiement plus accessibles et moins coûteux,
• L’innovation continue, avec l’arrivée de nouveaux produits financiers hybrides, mieux encadrés,
• L’attractivité internationale des États-Unis pour les fintechs et sociétés blockchain.

Les opposants insistent cependant sur les risques :

• Limitation de l’innovation de la part des petits acteurs et des projets décentralisés, ralentie par la lourdeur des démarches administratives,
• Danger d’un monopole de la régulation par les grandes banques et corporations déjà bien implantées,
• Crainte d’un recul de la « philosophie crypto », fondée sur la décentralisation et la liberté d’accès.

Prochaines étapes : calendrier et mise en œuvre

L’entrée en vigueur des principales mesures du GENIUS Act n’interviendra qu’après la publication des règlements d’application par les agences bancaires et le Trésor américain. Ce processus devrait s’étaler jusqu’à la fin 2026, offrant une période de transition pendant laquelle les émetteurs de stablecoins actuels devront entamer un processus de mise en conformité – ou cesser leurs activités sur le marché américain.

Les régulateurs devront également produire des rapports d’impact sur la sécurité, la stabilité monétaire et la concurrence, qui nourriront de futures adaptations législatives.

Conclusion : un tournant pour le secteur financier

L’adoption du GENIUS Act marque indéniablement un tournant pour la finance numérique américaine. Si les débats se poursuivent sur les arbitrages entre innovation et sécurité, la loi offre aux États-Unis les bases d’un pilotage maîtrisé de l’essor des cryptomonnaies stables, dans un contexte mondialisé où la compétition réglementaire fait rage. L’ensemble du secteur – banques, fintechs, investisseurs et usagers – attend désormais la signature présidentielle et la publication des textes d’application pour se positionner dans ce nouveau cadre, qui pourrait bien redessiner le paysage mondial des paiements digitaux.