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Les machines Ă  sous envahissent les rues britanniques : profits records et appels pressants Ă  une rĂ©gulation renforcĂ©eđŸ”„60

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Les machines Ă  sous envahissent les rues commerçantes britanniques : records de profits, inquiĂ©tudes croissantes et appels Ă  la rĂ©gulation

LONDRES, 20 juillet 2025 – Alors que les “adult gaming centres” britanniques enregistrent un chiffre historique de 74 523 machines Ă  sous dissĂ©minĂ©es sur les artĂšres principales du pays, les revenus issus de ces jeux d’argent atteignent un record inĂ©dit. Ce boom alimente un dĂ©bat national sur l’impact social et Ă©conomique des machines Ă  sous de proximitĂ©, notamment face Ă  des critiques dĂ©nonçant une concentration ciblĂ©e dans les quartiers les plus modestes.

Un paysage urbain bouleversé : expansion rapide sur les high streets

Au Royaume-Uni, la prolifĂ©ration des machines Ă  sous sur les "high streets" – ces rues commerçantes emblĂ©matiques de la vie urbaine – n’est plus un simple fait de sociĂ©tĂ©, mais un phĂ©nomĂšne de masse. Avec 74 523 appareils recensĂ©s, chaque avenue majeure, de Londres Ă  Manchester, en passant par Birmingham, accueille dĂ©sormais ces bornes ludiques, attirant une clientĂšle variĂ©e, souvent issue de milieux modestes.

Ce paysage n’a pas toujours Ă©tĂ© aussi saturĂ©. Historiquement, les jeux de hasard Ă©taient cantonnĂ©s aux casinos ou clubs privĂ©s, soumis Ă  une rĂ©gulation stricte. Mais une succession de rĂ©formes, notamment au dĂ©but des annĂ©es 2000, a ouvert la porte Ă  une libĂ©ralisation du secteur. RĂ©sultat : une prĂ©sence accrue sur les points de passage quotidiens, rendant l’accĂšs Ă  ces machines aussi banal que la visite chez le boulanger ou le magasin d’alimentation.

Les enjeux Ă©conomiques : profits records, recettes fiscales
 et dĂ©pendance

Sur le plan Ă©conomique, l’explosion du nombre de machines Ă  sous a eu pour premier effet une hausse spectaculaire des bĂ©nĂ©fices gĂ©nĂ©rĂ©s par le secteur des jeux d’argent. Les opĂ©rateurs privĂ©s, pour la plupart de grands groupes internationaux cotĂ©s en bourse, voient ainsi leurs marges s’envoler. Cette manne reprĂ©sente Ă©galement une source de recettes fiscales non nĂ©gligeable pour les collectivitĂ©s locales et l’État central, dans un contexte oĂč la diversification des revenus publics reste une prioritĂ©.

Les annĂ©es de crises Ă©conomiques, notamment la grande rĂ©cession de 2008 puis plus rĂ©cemment l’aprĂšs-pandĂ©mie, ont paradoxalement contribuĂ© Ă  accĂ©lĂ©rer la diffusion des jeux d’argent. De nombreux gouvernements rĂ©gionaux britanniques, confrontĂ©s Ă  des dĂ©ficits budgĂ©taires, ont pu ĂȘtre tentĂ©s de favoriser indirectement l’expansion des activitĂ©s de jeux pour capter une part des recettes en taxes.

Les donnĂ©es internationales rĂ©vĂšlent cependant que si ce “pari fiscal” peut s’avĂ©rer rentable Ă  court terme, la croissance des recettes tend Ă  s’essouffler. L’effet de nouveautĂ© s’estompe, et la saturation du marchĂ© conduit Ă  un tassement, voire une Ă©rosion progressive des recettes Ă©tatiques gĂ©nĂ©rĂ©es par les jeux d’argent.

ProblĂ©matique sociale : addiction, prĂ©caritĂ© et responsabilisation des acteurs

Mais derriĂšre l’euphorie Ă©conomique, l’essor des machines Ă  sous s’accompagne d’une multiplication des signalements de dĂ©pendance au jeu. Les associations caritatives pointent une rĂ©alitĂ© inquiĂ©tante : le dĂ©veloppement le plus marquĂ© de ces bornes s’observe dans les zones dĂ©favorisĂ©es. Selon les enquĂȘtes de collectivitĂ©s locales, les quartiers pauvres concentrent une part disproportionnĂ©e de points de jeu, exacerbant la vulnĂ©rabilitĂ© de populations dĂ©jĂ  fragilisĂ©es par l’insĂ©curitĂ© Ă©conomique et le chĂŽmage.

Le mĂ©canisme psychologique sous-jacent est bien documenté : en pĂ©riode de crise, la promesse d’un gain mĂȘme improbable exerce une attraction puissante. De nombreuses Ă©tudes dĂ©montrent que l’achat de billets de loterie et les usages de machines Ă  sous augmentent dans les zones touchĂ©es par la prĂ©caritĂ©. C’est notamment parce que le coĂ»t d’accĂšs est faible mais le rĂȘve d’un gain “miraculeux” reste intact – un cocktail propice Ă  l’installation de comportements addictifs.

Les riverains, Ă©ducateurs et Ă©lus locaux se disent dĂ©passĂ©s par la puissance d’attraction de ces Ă©tablissements ouverts trĂšs tard, acceptant parfois des joueurs dĂ©jĂ  endettĂ©s. Les coĂ»ts sociaux associĂ©s – surendettement, ruptures familiales, troubles psychologiques – sont difficiles Ă  chiffrer prĂ©cisĂ©ment, mais ils pĂšsent sur les services sociaux, les associations, et in fine, sur les finances publiques locales.

Feu vert aux collectivitĂ©s ? Les appels Ă  la rĂ©gulation s’intensifient

Face Ă  cette double dynamique – bĂ©nĂ©fices privĂ©s massifs, dommages sociaux palpables – la voix des Ă©lus locaux devient de plus en plus pressante. Les conseils municipaux exigent un levier d’action Ă©largi : ils souhaitent pouvoir limiter l’implantation de nouveaux Ă©tablissements ou geler l’augmentation du nombre de machines Ă  sous. Plusieurs pistes sont Ă  l’étude, dont la possibilitĂ© d’accorder ou non des licences selon le contexte social du quartier, la mise en place d’une taxation spĂ©cifique, ou encore des restrictions sur les horaires d’ouverture.

Certains acteurs vont plus loin, proposant que l’ensemble du cadre lĂ©gal soit revu, en incluant un encadrement bien plus strict de la publicitĂ© et l’obligation de messages de prĂ©vention efficaces sur chaque borne. Les mesures telles que l’auto-exclusion, le plafonnement des mises et la surveillance informatique sont Ă©voquĂ©es comme pistes de responsabilisation.

Comparaisons europĂ©ennes et mondiales : singularitĂ© ou tendance globale ?

Au niveau europĂ©en, la situation du Royaume-Uni n’est pas isolĂ©e. L’Espagne, l’Italie ou la France connaissent des dynamiques comparables : multiplication des salles de jeux, enjeux sociaux croissants, besoins fiscaux pressants. Toutefois, la rĂ©glementation varie fortement d’un pays Ă  l’autre. Ainsi, la France limite plus strictement la diffusion hors des casinos et a dĂ©veloppĂ© une politique d’accompagnement social pour les joueurs en difficultĂ©.

D’autres pays scandinaves, Ă  l’image de la SuĂšde ou de la NorvĂšge, expĂ©rimentent des restrictions plus drastiques autour de l’accĂšs aux machines Ă  sous, privilĂ©giant les monopoles publics ou le contrĂŽle Ă©tatique pour limiter la casse sociale. Enfin, Ă  l’échelle mondiale, des Ă©tudes montrent que le recours aux jeux d’argent est loin de s’effondrer en pĂ©riode de rĂ©cession, les opĂ©rateurs s’adaptant souvent en innovant (jeux en ligne, paris sportifs, etc.), mais la croissance des profits sur le moyen terme reste fragile, dĂ©pendant du contexte socio-Ă©conomique local.

Regards croisĂ©s : espoirs, craintes et rĂ©silience

Au fil des annĂ©es, le dĂ©bat a gagnĂ© en intensitĂ©, opposant les tenants d’une “industrie du divertissement” crĂ©atrice d’emplois et de recettes, Ă  ceux qui voient dans cette expansion un risque sĂ©rieux pour la cohĂ©sion sociale. Sur le terrain, certains habitants voient dans les salles de jeux un “mal nĂ©cessaire”, voire un lieu de vie sociale, tandis que d’autres dĂ©noncent la dĂ©gradation du tissu commercial traditionnel.

Face Ă  la montĂ©e des alertes, la pression de l’opinion publique pourrait, Ă  terme, faire Ă©voluer la lĂ©gislation. Mais l’équation reste dĂ©licate : rĂ©duire la prĂ©sence des machines Ă  sous sur les high streets revient aussi Ă  priver une part non nĂ©gligeable de la population d’un loisir populaire et l’État de rentrĂ©es fiscales indispensables.

La question demeure en suspens : comment concilier les impĂ©ratifs Ă©conomiques et sociaux ? Le Royaume-Uni s’apprĂȘte-t-il Ă  ouvrir une nouvelle Ăšre de rĂ©gulation, plus responsable et Ă©quilibrĂ©e, ou Ă  poursuivre sur la voie d’une dĂ©rĂ©gulation porteuse de profits mais aussi de profondes divisions ? Les prochains mois pourraient s’avĂ©rer dĂ©cisifs dans ce bras de fer entre industrie du jeu, collectivitĂ©s locales et sociĂ©tĂ© civile.